Marche Climat Toulon du 30 novembre


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Le plan climat de Nicolas Hulot contient plusieurs failles majeures

Le plan climat présenté ce jeudi 6 juillet par Nicolas Hulot, ministre de la Transition écologique et solidaire, ne permet pas de mettre fin aux tergiversations de l’exécutif français depuis la COP 21 : les chantiers annoncés sont nombreux mais les mesures concrètes insuffisantes. Il fait l’impasse sur une série de points durs : la taxe sur les transactions financières, les accords de libéralisation du commerce et de l’investissement ou encore la primeur qui doit être donnée aux engagements climatiques sur les politiques de compétitivité économique. La focalisation sur la neutralité carbone en 2050 ouvre la porte à des options technologiques inappropriées et dangereuses et à la généralisation d’inefficaces et défaillants marché carbone.

Pour résoudre la crise climatique, les bons sentiments, les déclarations d’intention et les belles photos ne suffisent pas. Nous sommes au bord d’un point de rupture, que de très nombreuses études et catastrophes climatiques ne cessent de mettre en exergue, jour après jour. Malheureusement, le plan climat présenté par Nicolas Hulot comporte plus de chantiers pour le quinquennat qu’il ne compte d’engagements nouveaux en mesure de traduire dans les faits et sur le terrain les déclarations de l’exécutif français au niveau international. Le « MakeThePlanetGreatAgain » aurait du précisément se traduire par un plan climat « MakeFranceGreenAgain » et ce n’est manifestement pas le cas.

 

En écartant tout engagement pour une taxe européenne sur les transactions financières (TTF), le Plan climat entérine la priorité d’Emmanuel Macron consistant à satisfaire les exigences des acteurs bancaires et financiers au détriment de la régulation financière et de la mobilisation de ressources nouvelles pour financer la transition écologique et soutenir les populations pauvres de la planète. Dominique Plihon, porte-parole d’Attac France, considère que « ce renoncement est inacceptable : alors qu’une large majorité de l’opinion publique soutient la TTF, Emmanuel Macron et Nicolas Hulot préfèrent céder face aux lobbies financiers en se privant d’une mesure qui pourrait rapporter jusqu’à 35 milliards d’euros par an si elle était appliquée à l’ensemble de l’Union Européenne ».

 

Le plan climat fait également l’impasse sur les accords de libéralisation du commerce et de l’investissement, alors qu’ils constituent aujourd’hui des entraves manifestes pour mener des politiques climatiques qui soient à la hauteur des enjeux. Pour Aurélie Trouvé, porte-parole d’Attac France, « l’exécutif n’est pas cohérent quand il prétend agir pour le climat tout en poursuivant la mise en œuvre et la négociation d’accords (CETA, TAFTA, JEFTA, etc.) qui contribuent à accroître les émissions de gaz à effet de serre, qui font peser de lourdes menaces sur les réglementations environnementales actuelles ainsi que sur la capacité des États à prendre de nouvelles mesures plus strictes à l’avenir, tout en donnant des droits excessifs aux entreprises multinationales empêchant de sanctuariser les politiques climatiques des États et les engagements pris dans le cadre de l’ONU ».

 

Pour Maxime Combes, spécialiste des politiques climatiques d’Attac France, « l’introduction d’un objectif de neutralité carbone d’ici à 2050, aussi imprécis qu’incompréhensible, n’est pas une avancée : alors que nous avons besoin d’objectifs précis et chiffrés permettant d’établir une feuille de route cohérente avec l’objectif des 2 °C, Nicolas Hulot y substitue un concept flou et mal défini qui ouvre la porte à des options technologiques inappropriées et dangereuses telles que la géo-ingéniérie et les mécanismes non maîtrisés de capture et stockage du carbone. Plutôt que de se focaliser sur la réduction effective des émissions des secteurs les plus problématiques, le concept de neutralité carbone conduit à déplacer les priorités de l’action climatique sur le carbone stocké dans les “puits de carbone”, le plus souvent à l’aide d’inefficaces et défaillants dispositifs de compensation et de marché carbone, au détriment de l’ambition climatique et des droits des populations qui vivent sur les territoires concernés (forêts, zones agricoles, etc.) ».

 

Enfin, si l’on peut apprécier l’effort consistant à insister sur l’importance des exigences sociales qui doivent accompagner toute politique de transition énergétique digne de ce nom, Attac déplore le grand écart de l’exécutif entre la nécessité de créer de nouveaux droits - via les contrats de transition - permettant de sécuriser l’avenir des salariés des secteurs concernés et l’attaque en règle en cours contre le droit du travail qui ne pourra que générer plus d’insécurité pour ces mêmes salariés. C’est là une des failles majeures du plan climat présenté par Nicolas Hulot : faire comme si les politiques de compétitivité économique, internes et externes, qui organisent la compétition généralisée et encouragent la dévastation des écosystèmes, étaient compatibles avec une politique climatique ambitieuse, ce qu’elles ne sont pas.

 

Attac France appelle l’exécutif à revoir sa copie et va s’évertuer à ce que le mouvement pour la justice climatique se fasse entendre, dans les mois à venir, à ces sujets.


Crime climatique : les « États voyous » doivent pouvoir être sanctionnés

La décision de la Maison-Blanche consistant à annoncer le désengagement unilatéral des États-Unis de l’Accord de Paris est un véritable bras d’honneur envoyé aux populations qui supportent d’ores et déjà les conséquences des dérèglements climatiques. La condamner avec fermeté et annoncer vouloir « sauver l’Accord de Paris » est néanmoins loin d’être suffisant : il est urgent de donner bien plus d’ambition aux politiques climatiques existantes, d’opérer une transformation profonde des soubassements énergétiques d’un capitalisme insoutenable et d’oeuvrer pour que des sanctions internationales envers les États voyous voient le jour.

Alors que l’année 2016 a battu tous les records mondiaux de température moyenne, la fréquence, l’intensité et les dégâts occasionnés par les phénomènes climatiques extrêmes augmentent. Le Bangladesh, où des centaines de milliers de personnes ont tout perdu suite au passage du cyclone Mora, vient à nouveau de l’illustrer. C’est donc avec un considérable mépris pour les populations dont les conditions de vie sont déjà profondément affectées par le réchauffement climatique mondial, au Sud comme au Nord, que Donald Trump a annoncé vouloir cesser toute mise en œuvre de l’accord de Paris. Rappelons-le avec force : il n’y a pas d’emplois sur une planète morte, mais des millions d’emplois peuvent voir le jour pour pérenniser une « planète vivante ».

Cette décision unilatérale, et la teneur des réactions internationales qui la condamnent, illustrent néanmoins les faiblesses intrinsèques de l’accord de Paris. D’un côté, chacun sait que les engagement pris par les États conduisent à un réchauffement climatique de plus de 3°C. Sans qu’il n’y ait aujourd’hui de perspectives d’amélioration notable des engagements pris par les États : l’Union européenne et les États européens refusent, par exemple, de manière systématique depuis presque deux ans, de donner plus d’ambition à leurs engagements climat pour 2030

D’un autre côté, la décision de la Maison-Blanche place les États-Unis en pôle position pour être un jour condamnés d’écocide et de crime contre l’humanité. Malheureusement, l’Accord de Paris ne donne aucun pouvoir légal aux institutions internationales, aux États et aux citoyens pour poursuivre les décisions climaticides. Il est temps d’oeuvrer pour que des sanctions internationales soient rendues possibles en matière de climat et ne pas laisser à l’OMC, au FMI et aux traités commerciaux le privilège de disposer de puissants pouvoirs coercitifs. D’ici là, toutes les formes de sanctions internationales à notre disposition (boycott citoyen, rétorsions commerciales et diplomatiques) doivent pouvoir être mobilisés pour ne pas laisser les crimes d’écocide et les crimes climatiques impunis.

« Sur le climat il n’y a pas de plan B, car il n’y a pas de planète B »

En reprenant à son compte cette phrase qui est celle que les mouvements pour la justice climatique portaient déjà avec détermination à Copenhague en 2009, Emmanuel Macron fixe clairement les lignes rouges que son quinquennat ne devra pas franchir. On ne négocie pas avec le réchauffement climatique. Quand un projet n’est pas compatible avec la réduction des émissions de gaz à effet de serre et la transition écologique, il doit être abandonné. Purement et simplement. C’est le cas de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, des projets d’autoroute (A45, GCO...) et plus largement des grands projets inutiles (EPR, LGV, Lyon Turin, EuropaCity, recherche d’hydrocarbures, etc).

Les accord de libre-échange (CETA, TAFTA et les autres) tout comme les politiques de compétitivité économiques insoutenables font également partie des lignes rouges que nous avions fixées en clôture de la COP 21. A l’inverse, instaurer enfin un taxe sur les transactions financières, donner plus d’ambition aux politiques climatiques européennes et mener à bien la transition énergétique dans un cade de justice sociale et de solidarité sont trois des sujets majeurs sur lesquels nous jugerons ce nouveau quinquennat. Et nous nous emploierons, avec nos alliés sur le terrain, à ce que les lignes rouges ne soient plus jamais franchies. Car il n’y a pas de planète B.

Maxime COMBES


La transition écologique : une solution aux problèmes du chômage et de la précarité

Aujourd’hui, 3,8 millions de personnes (soit 14,1 % de l’emploi total) travaillent dans des métiers considérés verts et verdissants en France ; tendance en augmentation ! L’accélération nécessaire de la transition écologique pour pouvoir respecter et aller plus loin que l’accord de Paris de la COP 21, créera aussi davantage d’emplois dans les secteurs de la transition écologique, durables et de qualité.

La Plateforme française « emplois-climat » met donc une proposition au débat public : la création d’1 million d’emplois dans les secteurs de la transition écologique d’ici 2020. Pour cela, il est indispensable de réorienter les investissements publics et privés qui financent aujourd’hui la pollution vers des activités en lien avec la transition écologique. Il faut également les renforcer, pour répondre à l’enjeu de création d’emplois au service de cette transition. Il sera nécessaire de renforcer l’action territoriale pour mettre en oeuvre les politiques de la transition écologique et accompagner les citoyens dans ce processus. Enfin, il faudra veiller à une reconversion anticipée des salariés des secteurs fragilisés par des politiques climatiques à l’échelle territoriale et individuelle.

Le succès de la transition écologique dépendra de notre capacité collective à résoudre l’équation entre emplois détruits et créés. Ce succès dépendra aussi de la qualité des emplois créés, en termes de qualification professionnelle et de protection sociale.

La transition écologique n’est pas une option : il faut agir maintenant pour préserver une planète vivable pour les générations futures. Il n’y a pas d’emploi sur une planète morte !

Les membres de la plateforme

350.org, Alternatiba, Alofa Tuvalu, Les Amis de la Terre, Attac, Collectif des Associations Citoyennes, Collectif Roosevelt, Confédération paysanne, Emmaüs France, Espaces Marx, FADEAR – Réseau de l’agriculture paysanne, Fédération Syndicale Unitaire, Greenpeace, Ligue des droits de l’Homme, MNPC Mouvement Nationale des Chômeurs et Précaires, REFED Réseau Français des Etudiants pour le Développement Durable, Réseau Action Climate France, Solidaires, transform ! Avec le soutien de la Heinrich-Böll-Stiftung France


Réaction d'ATTAC France à l'accord de Paris

Les États ne sont pas prêts à enclencher la « révolution climatique ». L’accord de Paris franchit les « lignes rouges » fixées par la société civile !

Dans des moments difficiles, on attend d’une conférence internationale qu’elle prenne des décisions courageuses et visionnaires. Ce n’est pas le cas à la COP 21, avec un accord très en dessous du changement de cap requis. A l’État d’urgence climatique, l’accord de Paris oppose un bricolage constitué de la somme des égoïsmes nationaux, aussi bien en matière de financements que d’objectifs de réduction des émissions. Il ne faut pas oublier l’essentiel : l’accord de Paris entérine un réchauffement climatique supérieur à 3 °C, sans se doter des dispositifs pour revenir sur une trajectoire inférieure à 1,5 °C ou même 2 °C.

François Hollande souhaitait qu’on se souvienne de la COP 21 comme du moment déclenchant une « révolution climatique » [1]. Par bien des points, l’accord de Paris tranche en faveur des options les plus conservatrices et les moins ambitieuses qui étaient présentes dans le texte de négociation. L’accord de Paris valide une chose positive : les 195 États de la planète sont d’accord pour maintenir un cadre international et multilatéral – bien que très affaibli – de « gouvernance du climat » : pour véritablement changer la donne, il devient urgent que les règles et principes d’organisation de l’économie mondiale et du commerce international soient soumises à l’objectif climatique.

Analyse du texte sur la base des adjectifs utilisés par Laurent Fabius et François Hollande

 

L’accord de Paris est-il ambitieux ?

  • En entérinant des contributions nationales (INDCs) qui conduisent vers un réchauffement supérieur à 3 °C, la COP 21 se montre incapable de désamorcer la bombe climatique.
  • L’objectif d’1,5 °C, qui n’est pas un objectif contraignant, ne saurait masquer l’absence d’engagements chiffrés de réduction d’émissions de GES pour les années à venir (art. 2).
  • Aucune date n’est mentionnée pour le pic des émissions et, l’objectif de long-terme, attendu pour 2050, ne concerne que la seconde partie du siècle ; la formulation de l’objectif de long-terme ouvre la porte à l’utilisation massive de techniques inappropriées telles que le stockage et la séquestration du carbone, la compensation carbone et la géo ingéniérie.

Sans feuille de route clairement établie, sans mention des points de passage en 2020 et 2050 fixés par le GIEC pour revenir sur une trajectoire inférieure à 2 °C, l’accord de Paris met en danger le simple droit à vivre de nombreuses populations à travers la planète.

 

L’accord de Paris est-il doté des moyens suffisants ?

  • Absence des 100 milliards comme plancher de financement dans l’accord de Paris, renvoyé dans le texte de décision de la COP 21 et donc soumis à de nouveaux arbitrages futurs, sans force contraignante et sans amélioration par rapport à Copenhague.
  • Manque de transparence et de prévisibilité des financements pour l’après 2020 : aucune mention des termes « nouveaux » et « additionnels » pour évoquer les financements futurs, en contradiction la Convention, pas plus que les termes « adéquats » et « prévisibles ».
  • Absence de rééquilibrage au profit de l’adaptation.

Après 25 ans de négociation, et alors qu’ils n’ont jamais débloqué les financements nécessaires, les pays riches historiquement responsables du réchauffement climatique tentent se dédouaner de leurs responsabilités !

L’accord de Paris fait-il oeuvre de « justice climatique » ?

  • Suppression des références aux droits humains et des populations indigènes et à la transition juste dans les articles de l’accord de Paris, références renvoyées dans les préambules ;
  • Très net affaiblissement du mécanisme de « Pertes et dommages » puisque tout ce qui concerne les responsabilités juridiques (« liabilities ») est retiré de cet l’accord.

L’affaiblissement du mécanisme de pertes et dommages sonne comme un aveu de culpabilité des pays responsables du dérèglement climatique.

L’accord de Paris est-il universel ?

  • Les secteurs de l’aviation civile et du transport maritime, près de 10 % des émissions mondiales (= Allemagne + Corée du Sud) sont exemptés de tout objectif.
  • De nombreuses contributions des États (INDCs), notamment des pays les plus démunis, dépendent de financements additionnels pour mener à bien leur transition énergétique et politiques d’adaptation : ces financements ne sont pas là et pas garantis pour le futur.

L’Accord de Paris ne se donne pas les moyens d’être universel et refuse de s’attaquer à la machine à réchauffer la planète que constitue la globalisation économique et financière.

L’accord de Paris est-il juridiquement contraignant ?

  • L’accord de Paris ne transforme par les INDCs en des engagements contraignants et les mécanismes de révision des engagements sont faiblement contraignants.
  • Aucun mécanisme de sanction n’est mis en oeuvre pour sanctionner les États qui ne prendraient pas des engagements insuffisants, qui ne les mèneraient pas à bien ou qui refuseraient de revoir à la hausse leur ambition.

Alors que les accords de libéralisation du commerce et de l’investissement sanctionnent les pays lorsqu’ils ne respectent pas les règles établies, encore rien de tel en termes de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre.

L’accord de Paris est-il dynamique ?

  • Il sera impossible de rajouter dans les années futures tout ce qui n’est pas dans le texte de l’accord de Paris (100 milliards comme plancher, …).
  • Des inventaires (stocktaking) sont prévus tous les 5 ans, mais la mise en oeuvre des révisions à la hausse reste dépendante de l’interprétation du texte et de la bonne volonté des États.

L’accord de Paris est-il différencié ?

  • Avec la mise en oeuvre des INDCs, les États ont accepté à Lima une auto-différenciation en matière de réduction d’émissions de GES : chaque pays met sur la table ce qu’il souhaite.
  • En matière de financements, alors que la Convention-cadre prévoit que les pays historiquement les plus émetteurs débloquent les financements nécessaires à l’adaptation et la mitigation des pays qui en ont besoin, les États-Unis et leurs alliés ont essayé de poursuivre leur oeuvre de démolition des principes de la Convention.

L’accord de Paris est-il équilibré ?

  • Aucun mécanisme clairement défini pour faciliter le transfert des technologies, notamment pour lever les barrières à l’accès générées par les droits de propriété intellectuelle ;
  • Possibilité est laissée aux pays, notamment les plus émetteurs, d’utiliser des mécanismes de compensation carbone pour atteindre leurs objectifs, au détriment d’une réduction domestique des émissions.
  • Maintien de la référence à « la croissance économique » (art. 10)

Clips de la coalition climat 21


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Article de Maxime COMBES sur le projet de texte de l'ONU pour la COP 21
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Le gouvernement délivre de nouveaux permis pétroliers à la veille de la COP 21

   Le 21 septembre dernier, Ségolène Royal, Ministre de l’écologie, et Emmanuel Macron, Ministre de l’économie, ont accordé trois nouveaux permis de recherche d’hydrocarbures liquides ou gazeux (les permis de Champfolie en Seine-et-Marne, de Herbsheim dans le Bas-Rhin et d’Estheria dans la Marne) et ils ont décidé d’en prolonger deux autres jusqu’à fin 2018 (les permis de Bleue Lorraine en Moselle et de Juan de Nova dans « les terres australes et antarctiques françaises »). Ces permis de recherche visent officiellement des pétrole et gaz conventionnels, mais également des pétrole et du gaz non conventionnels, malgré la loi d’interdiction de la fracturation hydraulique.

    À la veille de la Conférence de l’ONU sur le changement climatique à Paris, le gouvernement encourage donc la poursuite des investissements dans la recherche de nouveaux gisements d’hydrocarbures sur le territoire français. Une décision qui entre en contradiction avec les recommandations des scientifiques qui ont clairement établi qu’il fallait geler 80 % des réserves actuelles prouvées d’hydrocarbures, pour avoir une chance raisonnable de ne pas dépasser les 2°C de réchauffement climatique d’ici la fin du siècle.

    En délivrant ces nouveaux permis, le gouvernement fait donc le contraire de ce qui est nécessaire : à l’heure où pour chaque euro investi dans les énergies renouvelables, près de quatre le sont dans les énergies fossiles, il est urgent de mettre fin à l’expansion du front de l’extraction des énergies fossiles. Que valent donc les promesses de François Hollande et des négociateurs français d’obtenir un « accord historique » à Paris et de « tout faire » pour rester en deçà des 2 °C, si c’est pour entretenir cette fuite en avant extractiviste et les crimes climatiques qui en découlent ?

Nous exigeons que le gouvernement annule les permis qu’il vient de délivrer et mette fin à la prospection pétrolière, gazière et charbonnière sur le territoire. Pour que les discours sur l’urgence climatique ne restent plus sans lendemain.


Signataires

Organisations : 350.org, Agir pour l’environnement, Aitec, Amis de la Terre, Attac France, Confédération paysanne, Coordination Eau Île-de-France, France Libertés, FSU, Réseau Action Climat, Union syndicale Solidaires


Collectifs citoyens contre les hydrocarbures de schiste : Collectif du pays fertois (77), Stop GDHC d’Alsace et de Lorraine, collectif Carmen (Château-Thierry 02), Collectif stop gaz de schiste 69, Collectif Haut Bugey non aux forages, Collectif non au gaz de schiste pays de Savoie et de l’Ain, Collectif 07 Stop Gaz et Huiles de Schiste, collectif houille-ouille ouille 59/62, collectif d’Anduze, collectif 91, Collectif viganais, STOP GHRM 38, collectif Hautes-Cévennes, Collectif citoyen de Pézenas, Castelnau de Guers (34), Collectif du Céressou (34), Eco’lectif de Gignac (34), Collectif de Campagnan, St-Parloir (34), collectif taupes énervées, Collectif Garrigue Vaunage (30), Collectif Pays cigalois, collectif "Non gaz de schiste ouest Aveyron" (12), Stop au gaz de schiste-Non al gas d’esquist 47, Collectif Montpellier Littoral contre les gaz et huiles de schistes, collectif stop gaz de schiste 39, Collectif Causse Méjean – Gaz de Schiste NON !" (48), Collectif Florac (48)


Les négociations de Bonn prépare les crises climatiques à venir !

31 août 2015 ATTAC FRANCE

Les négociations sur le changement climatique reprennent ce lundi 31 août à Bonn (Allemagne). Le gouvernement français se montre optimiste. Pourtant, les contributions volontaires que les pays ont dévoilées et les contours du futur accord de Paris conduisent vers un réchauffement climatique très largement supérieur à l’objectif des 2 °C. Un crime climatique que les milliers de signataires de l’appel international visant à « laisser les énergies fossiles dans le sol » veulent stopper.


   Pour Laurence Tubiana, négociatrice en chef pour le gouvernement français, les négociations « avancent ». Peut-être, mais c’est «  à une vitesse d’escargot  » comme le déplore Ban Ki-moon, secrétaire général des Nations-Unies, notant qu’« aucune action concrète n’a été prise pendant vingt-trois ans de négociation  » [1]. Les émissions annuelles mondiales de gaz à effet de serre, qui ont augmenté de 60 % depuis 1992, accélèrent le réchauffement climatique en cours. Les nouveaux records de chaleur en juillet, qui s’ajoutent aux sept premiers mois de 2015 les plus chauds jamais enregistrés, n’en sont que les dernières conséquences. Les conséquences sont de plus en plus dramatiques : chaque seconde, un nouveau réfugié climatique est jeté sur les routes par une catastrophe liée au réchauffement de la planète.


   Les contributions volontaires et non contraignantes que les États ont rendues publiques ne permettent pas de rester en dessous d’une hausse de 2 °C au cours du siècle, objectif que les États se sont eux-mêmes donnés lors de la conférence de Copenhague (2009). Les 56 pays qui ont présenté leur feuille de route et qui représentent 60 % des émissions mondiales de CO2, se sont engagés sur des objectifs minimalistes, y compris l’Union européenne et États-Unis. Résultat : l’écart entre ce qui devrait être fait et ce qui est annoncé est abyssal, supérieur à dix gigatonnes d’émissions annuelles de CO2.


  Tout retard pris en 2015 conduit à de nouveaux crimes climatiques, sans qu’aucune garantie ne soit apportée pour que ce retard puisse un jour être rattrapé. Les principaux pollueurs de la planète refusent de revoir à la hausse leurs objectifs de réduction d’émissions d’ici à 2020. Ce sont ces crimes climatiques que des personnalités (artistes, intellectuels, scientifiques, écrivains etc.) et des activistes du monde entier appellent à stopper en « laissant les énergies fossiles dans le sol » (http://crimesclimatiquesstop.org).


« L’esclavage et l’apartheid n’ont pas disparu parce que des États ont décidé de les abolir, mais par des mobilisations massives qui ne leur ont pas laissé le choix  » [2]. Le changement climatique est un enjeu comparable : avec ses partenaires de la coalition Climat 21, Attac fera tout pour que les mobilisations citoyennes soient à la hauteur de l’enjeu dès novembre et décembre à Paris.


Non ! Les sponsors privés de la COP 21 ne sont pas climato-compatibles !

Énergéticiens fossiles et fissiles, compagnie aérienne, constructeurs automobiles : la liste des mécènes de la 21e Conférence de l’ONU sur le climat (COP21), rendue publique aujourd’hui, comprend des multinationales françaises qui ne sont pas compatibles avec le climat. Les Amis de la Terre, Attac France, le Corporate Europe Observatory, WECF et 350.org dénoncent l’incohérence du gouvernement et redoutent que les négociations se retrouvent aux mains des pollueurs.

Alors que la France s’apprête à accueillir la COP21 supposée résoudre la crise climatique, le gouvernement donne la mesure de la sincérité de son engagement en dévoilant aujourd’hui son choix de mécènes. « La majorité des entreprises choisies émettent massivement des gaz à effet de serre, responsables du changement climatique, comme EDF ou Engie dont les émissions provoquées par leurs centrales à charbon équivalent à elles seules à près de la moitié des émissions de la France [1]. Alors que le gouvernement avait assuré rechercher des entreprises à la réputation sans faille, bon nombre d’entre elles sont impliquées dans des projets nocifs pour les populations, leurs conditions de vie et de travail. Mettre la conférence climat la plus importante de notre décennie sous le patronage d’entreprises climato-incompatibles n’est pas de bon augure » condamne Malika Peyraut, des Amis de la Terre. Parmi la vingtaine d’entreprises qui composent la première liste de « sponsors », on retrouve notamment Air France, entreprise aéronautique opposée à la réduction des émissions dans le secteur de l’aviation, l Renault-Nissan, fabricants d’automobiles extrêmement polluants, Suez Environnement connue pour sa participation au lobby pro-gazdeschiste français [2].

Les entreprises mécènes de la COP apporteront des contributions financières et en nature alors que la grande majorité de leurs activités sont extrêmement polluantes et que certaines de leurs propositions sont en fait de fausses solutions aux conséquences environnementales et sociales désastreuses. Ainsi en est-il de BNP-Paribas, qui en plus d’être la première banque française en termes de soutien au charbon entre 2005 et avril 2014, refuse obstinément de quitter les paradis fiscaux et mettre fin à ses pratiques d’évasion fiscale. « Le gouvernement offre sur un plateau et à très bon prix la possibilité à des multinationales climaticides de verdir leur image alors que l’intérêt général nécessite de ne pas polluer les négociations sur le changement climatique avec les intérêts particuliers que ces entreprises représentent » dénonce Maxime Combes, d’Attac France. « Confierait-on la lutte contre le tabagisme aux cigarettiers ? Pourquoi le fait-on alors pour le climat ? », demande-t-il.

Le gouvernement a fixé l’objectif de la part du financement privé de la COP21 à 20 % du budget global. « 20 % de financement privé, c’est plus que ce qui s’était fait à la COP19 à Varsovie en 2013. Or, à Varsovie, les associations, mouvements sociaux et syndicats avaient quitté les négociations pour dénoncer la mainmise des négociations par les intérêts privés et les lobbies. On ne peut pas négocier un accord sur le climat avec ceux qui sont responsables du changement climatique : les États doivent écouter les intérêts des citoyens, et non les intérêts privés des lobbies et des multinationales. » observe Pascoe Sabido, du Corporate Europe Observatory. En proposant cette liste noire de sponsors, le gouvernement s’éloigne du signal qui devrait être donné lors de la COP21 : pour résoudre la crise climatique, il s’agit de mettre fin à l’ère des énergies fossiles, en rejetant les fausses solutions comme le nucléaire et en repensant nos modes de consommation et de production.


Le climat, c'est pas leur affaire !

Au moment où François Hollande ouvrait le Business and Climate Summit, ce mercredi à l’UNESCO, 350.org, les Amis de la Terre, Attac France et les J.E.D.I. for Climate accueillaient les participants au sommet en leur rappelant que les principaux organisateurs et sponsors de ce sommet sont responsables du dérèglement climatique. Parmi ceux-ci : Total, EDF, ENGIE (ex GDF), Shell, Arcelor Mittal ou encore la BNP et Vinci.

Comme le montre le rapport des Amis de la Terre et d’Oxfam publié ce mardi, les centrales à charbon d’EDF et d’ENGIE émettent chaque année respectivement plus de 69 et 81 millions de tonne de CO2. « Les émissions de CO2 provoquées par les centrales à charbon de ces deux entreprises, dont l’État est actionnaire, équivalent à la moitié des émissions de la France ! Pourtant, ces entreprises n’hésitent pas à se présenter comme des championnes de la lutte contre le changement climatique. Au-delà de la mauvaise foi des entreprises, c’est aussi l’incohérence du gouvernement qui est à déplorer : François Hollande multiplie les appels à l’étranger pour lutter contre le changement climatique, et pourtant l’État français, qui a un pouvoir de décision dans ces entreprises, laisse ses entreprises polluer massivement à l’étranger. » dénonce Malika Peyraut, des Amis de la Terre.

Énergies fossiles, nucléaire, fausses solutions et pratiques de lobby : le palmarès des autres organisateurs et sponsors est bien lourd. De leur côté, Total et Shell repoussent chaque jour les frontières de l’extractivisme : fracturation hydraulique, forage dans l’ arctique, etc. Arcelor Mittal est le principal émetteur de gaz à effet de serre en France. Vinci est prêt à tout pour bétonner le bocage du pays nantais et construire l’aéroport de Notre Dame Des Landes – une catastrophe écologique et climatique.

Pour Nicolas Haeringer, de 350.org, « Ce sommet est une impasse et une ineptie. Personne ne songerait à associer les cigarettiers à la définition des politiques de lutte contre le tabagisme. C’est ce qui se passe, pourtant, avec le climat ». De fait, les gisements que ces multinationales possèdent, exploitent ou financent représentent une véritable bombe climatique : alors que nous ne pouvons nous permettre de brûler plus de 565 gigatonnes de CO2 d’ici 2050 par la combustion de charbon, de gaz et de pétrole si nous voulons endiguer le réchauffement global, les gisements de fossiles actuellement exploités ou en passe de l’être représentent 3000 gigatonnes d’émissions potentielles.

Les acteurs de l’industrie fossile ne sont pas les seuls responsables. Les institutions qui investissent dans le secteur le sont tout autant, de même que les banques qui financent les activités de ces multinationales. Pour Hélène Cabioc’h, d’Attac France, « les paradis fiscaux sont des enfers climatiques. En effet, les banques ont une double responsabilité : elles financent des projets climaticides et, en plaçant leur argent dans des paradis fiscaux, freinent le financement de la transition écologique ».

À cet égard, François Hollande et Laurent Fabius doivent montrer l’exemple.

Selon Nathalie Delhommeau, des J.E.D.I for Climate : « La France est le pays hôte de la COP21 ; elle ne doit pas se salir les mains à chercher des soutiens de lobbies climaticides. Les J.E.D.I for Climate dénoncent donc la présence de Messieurs Hollande et Fabius à ce sommet. L’argent qui doit financer la transition énergétique doit être récupéré de l’évasion fiscale organisée par les banques climaticides elles-mêmes présentes à ce sommet. »

Nul doute qu’au cours des mois qui viennent, les grandes entreprises du secteur fossile multiplieront les initiatives visant à brouiller les cartes et à laisser croire qu’elles pourraient faire partie de la solution au dérèglement climatique, plutôt que du problème. Mais à 6 mois du sommet climat de Paris-Le Bourget, 350.org, les Amis de la Terre, Attac France et les J.E.D.I. for Climate sont déterminés à agir pour que le monde tourne définitivement la page des combustibles fossiles et s’engage vers un futur basé sur la réduction de la consommation, l’efficacité énergétique et 100 % d’énergies renouvelables.


Le 20 mai 2015

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En 2015, mobilisons nous contre le changement climatique

16 avril 2015 par Coalition Climat

Alors que la France accueille la conférence des Nations Unies sur le climat en décembre 2015, plus d’une centaine d’organisations de la société civile se mobilisent au sein de la Coalition Climat 21. L’objectif : contribuer à un rapport de force favorable à une action climatique ambitieuse et juste, et à la transformation durable des politiques publiques afférentes.

Le combat face au changement climatique et ses effets sur les conditions de vie de toutes et tous ne commence pas et ne prendra pas fin au Sommet de Paris. Mais l’année 2015 constitue une véritable opportunité pour nous rassembler et affirmer que le monde que nous voulons est à notre portée : un monde à l’abri des ravages du changement climatique, où l’économie est au service des humains et de la planète, permettant à tout.e.s sur tous les territoires de vivre décemment de son travail, de respirer un air sain dans un environnement préservé, et assurant des modèles de développement authentiquement durables pour tou.tes. Pour tout changer, nous avons besoin de chacun.e. Rejoignez-nous lors des mobilisations suivantes, et changeons ensemble le cours de l’histoire !

Les 30 et 31 mai, aidez-nous à lancer un temps de mobilisation internationale en dénonçant les responsables du changement climatique et en appelant à une transformation radicale de nos modèles de développement à travers 1 000 actions, initiatives et manifestations en France.

Les 26 et 27 septembre, à Paris, dans nos régions et dans le reste du monde, mobilisons-nous pour soutenir et mettre en valeur les initiatives citoyennes permettant de lutter contre le changement climatique et d’impulser une transition énergétique.

Le 29 novembre, retrouvons-nous dans les rues de Paris et dans les villes du monde entier afin de faire entendre nos voix pour une action ambitieuse face au changement climatique. En ce week-end précédant le début des négociations, prenons de l’avance sur les représentant-e-s politiques et affirmons haut et fort nos revendications, de l’alimentation aux emplois, de l’énergie à l’éradication de la pauvreté.

Pendant les deux semaines de la COP, les actions se multiplieront, particulièrement à Paris. A partir du 5 décembre, un grand espace de convergence, de débats et de mobilisation sera ouvert à toutes celles et ceux qui souhaitent prendre part aux actions citoyennes et contribuer aux alternatives au changement climatique.

Le 12 décembre, venez à Paris et rejoignez la mobilisation de masse pour marquer un temps fort après deux semaines rythmées par la montée en puissance des diverses actions. Unissons-nous pour montrer la force de notre mouvement et envoyer un signal clair en faveur d’un avenir meilleur, plus respectueux de l’environnement, et plus juste pour tou.te.s.

Notre mouvement ne s’arrêtera pas là !


COP 20 : la "contribution" de Lima aggrave la crise climatique

À Lima, la Convention cadre de l’ONU sur les changements climatiques s’est montrée incapable de satisfaire aux recommandations issues des rapports alarmants du Groupe d’experts intergouvernemental sur les changements climatiques (GIEC). Il était prévu que les États réexaminent et revoient à la hausse leurs engagements d’ici 2020, en particulier les pays riches. Pourtant, aucun pays n’envisage de réduire plus fortement ses émissions de gaz à effet de serre ni d’augmenter sa contribution financière. Or, « repousser ainsi à l’après 2020 l’essentiel des efforts à accomplir signifie abandonner l’objectif consistant à ne pas dépasser les 2 °C de réchauffement global d’ici la fin du siècle » analyse Maxime Combes d’Attac France.

   Le décalage entre ce que le GIEC recommande, ce que les négociations de l’ONU permettent et ce que les gouvernements font ne cesse de grandir. « En évacuant des négociations la dimension civilisationnelle du changement climatique, les États ont inventé une machine qui empile des mécanismes techniques toujours plus sophistiqués et déconnectés de la réalité des dérèglements climatiques et des populations qui en subissent les conséquences », constate Geneviève Azam, porte-parole d’Attac France. Loin de neutraliser les tensions (géo)politiques et de solutionner la crise climatique, ces dispositifs étouffent les trop rares initiatives en faveur de la justice climatique. Ils encouragent au contraire les pays industriels à s’exonérer de leurs responsabilités historiques et les pays émergents à conforter un modèle productiviste et extractiviste insoutenable.


   Avec constance et détermination, les pays les plus puissants de la planète essaient de restreindre la portée des principes d’équité et de responsabilités communes mais différenciées. L’introduction d’une démarche volontaire et non contraignante pour définir les contributions de chacun des pays à la lutte contre les dérèglements climatiques fera primer l’échelon national sur la réalisation d’objectifs globaux. Non contraints au sein de l’ONU, et aiguillés par les intérêts des entreprises privées, les gouvernements s’activent par ailleurs pour libéraliser le commerce et l’investissement, encouragent la recherche et l’exploitation de nouvelles sources d’hydrocarbures et refusent de désarmer les marchés financiers, trois vecteurs majeurs de l’aggravation de la crise climatique.


   À douze mois de la conférence de l’ONU sur le dérèglement climatique à Paris-Le Bourget, l’une des responsabilités majeures des ONG et des mouvements sociaux et écologistes est de s’attaquer à ce décalage dramatique entre la fuite en avant extractiviste et productiviste liée à la globalisation économique et financière, et les exigences à la fois claires et rigoureuses en matière de transition écologique et sociale. « Face à l’urgence climatique, la passivité voire l’action irresponsable des dirigeants et des multinationales imposent à la société civile d’initier une bataille globale et de longue haleine » selon Christophe Aguiton d’Attac France. Attac France, en lien avec ses partenaires de la Coalition Climat 21 et ses partenaires internationaux, poursuivra son engagement pour initier un véritable changement systémique, qui subordonne les intérêts financiers aux exigences climatiques. Telle est l’autre route de Lima à Paris.


Blockadia et Alternatiba, les deux piliers de la justice climatique

Pour avoir le dernier mot, faisons de Paris2015 un « Seattle des fausses solutions » et un « Cochabamba de la transition écologique et sociale »
lundi 24 novembre 2014, par Maxime Combes

   Que faire de la 21e conférence des parties de la Convention cadre des Nations-Unies sur le changement climatique qui se tiendra à Paris - Le Bourget en décembre 2015 ? Les ONG, mouvements sociaux et écologistes se posent toute une série de questions essentielles dont il faut prendre le temps de débattre : que faut-il attendre des négociations ? Sur quoi est-il possible d’influer ? Que faire pour ne pas se retrouver dans la même situation qu’après Copenhague (2009) ? Quels objectifs se donner ? Comment travailler en profondeur les exigences de transformation écologique et sociale au sein de la population ? Quelles initiatives prendre pour imposer la lutte contre les dérèglements climatiques en haut des priorités politiques tout en évitant de donner plus de forces à ceux qui veulent imposer leurs solutions techno-scientifiques et innovations financières ? Sur quelles bases construire un mouvement pour la justice climatique qui irrigue largement la société, persiste et se renforce à travers et au-delà de la conférence Paris2015 ? Comment s’appuyer sur la réussite des manifestations du 21 septembre 2014 ? Quelle place donner aux mobilisations grandissantes visant à bloquer des projets climaticides et aux initiatives citoyennes visant à expérimenter et mettre en œuvre dès maintenant le monde soutenable et résilient qui sera nécessaire demain ? La liste des questions et des débats en cours au sein des ONG et des mouvements sociaux et écologiques est longue.



   En expliquant pourquoi les contours et le contenu (niveau de réduction d’émissions, niveau de financements et forme juridique) de l’accord le plus ambitieux qui pourrait être atteint à Paris en 2015 sont à peu près déjà connus, ce texte essaie de mettre en lumière pourquoi les ONG et les mouvements sociaux et écologiques devraient prendre du recul par rapport aux négociations qui se déroulent au sein de l’ONU. Il s’agit de ne pas reproduire les erreurs qui ont été faites en amont et pendant la conférence de Copenhague en 2009. Pour ce faire il est proposé de concentrer les énergies militantes et citoyennes sur un agenda de mobilisations propres dont la Conférence de l’ONU COP21 serait une étape et une caisse de résonance dans la perspective de transformer durablement le rapport de force en faveur d’une transition écologique et sociale d’ampleur. D’une certaine manière, il s’agit donc, au nom de l’urgence climatique, de ne pas se limiter à des batailles défensives au sein des négociations de l’ONU. Au contraire, l’idée est de renforcer toutes les batailles et propositions offensives et transformatrices que les dynamiques Blockadia et Alternatiba peuvent porter et incarner. Après les manifestations massives, à New York et ailleurs, le 21 septembre dernier, il est ici proposé de faire de Paris2015 un « Seattle des fausses solutions » et un « Cochabamba de la transition écologique et sociale ». Pour engager le débat et poursuivre les discussions déjà en cours, la perspective est clairement énoncée : il s’agit de se donner les moyens de ne pas subir le cours des négociations de l’ONU. Au contraire il est proposé que les ONG et les mouvements sociaux et écologistes deviennent prescripteurs d’opinion et dictent le dernier mot.


Point d’accord juridiquement contraignant à l’horizon !


   Pour Laurent Fabius, l’objectif annoncé en septembre 2013 était d’aboutir à « un accord applicable à tous, juridiquement contraignant et ambitieux, c’est-à-dire permettant de respecter la limite des 2 °C » [1]. À New York, en septembre dernier, François Hollande a même dit que l’horizon était d’arriver à la « neutralité carbone » [2]. Au regard de ce qui est aujourd’hui sur la table, c’est peu dire que c’est mal parti. Si un accord est possible en 2015, il ne sera ni juridiquement contraignant, ni à la hauteur des enjeux. Barack Obama ne veut pas d’accord juridiquement contraignant en matière de climat [3]. Il l’a clairement affirmé à la fin de l’été [4], préférant un instrument juridique souple qui invite les États à définir et annoncer, à intervalles de temps réguliers et de manière unilatérale, leurs propres engagements (réduction d’émissions, financements, etc.) pour une période donnée. À travers ce modèle dit de « Name & shame », chaque pays se verra accorder un satisfecit international si ses objectifs sont jugés suffisants et s’ils sont atteints, et il sera « couvert de honte » dans le cas contraire.

Ainsi, à la contrainte juridique, seule à-même d’instituer une contrainte et un engagement politique, il est préféré une déclaration d’intention regroupant les engagements propres de chacun des États, déclarations dont on sait le peu de poids et de constance qu’ils peuvent avoir. C’est un tournant dans les négociations climat où l’échelon national va primer sur la fixation et la réalisation d’objectifs globaux. Pour Barack Obama et l’administration américaine, les affaires intérieures et les équilibres géopolitiques internationaux priment sur le climat et la nécessité d’aboutir à un accord contraignant. Ils sont rejoints en cela par de nombreux pays, notamment la Chine. Ni François Hollande ni Laurent Fabius ne les ont formellement contredits. Pas plus depuis Paris qu’à New York lors du sommet sur le climat organisé par Ban Ki-moon, le 23 septembre 2014.


Point d’accord ambitieux à l’horizon !


   Pour être à la hauteur des enjeux rappelés par la synthèse [5] des rapports du GIEC publiée le 2 novembre dernier, un accord devrait imposer d’importantes réductions d’émissions de gaz à effets de serre (GES) d’ici 2020. En effet, selon un rapport du PNUE [6], si rien ne change, les pays de la planète vont émettre 13 gigatonnes de gaz à effet de serre équivalents CO2 de trop en 2020 (57 gigatonnes au lieu de 44 gigatonnes de CO2) par rapport aux trajectoires acceptables pour conserver une chance raisonnable de pouvoir ne pas dépasser les 2°C de réchauffement climatique maximal d’ici la fin du siècle. Pourtant, à ce jour, aucun pays n’envisage de revoir à la hausse ses engagements de réduction d’émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2020. Rien n’indique donc que cet écart entre le souhaitable et le réel se résorbe avant 2020, et il a de fortes chances de s’aggraver après 2020.


   En effet, les premiers engagements mis sur la table pour l’après 2020 sont très éloignés des recommandations du GIEC. Ainsi, l’Union européenne [7] s’est engagée à réduire ses émissions d’au moins 40 % d’ici 2030, un objectif que les recommandations du GIEC invitent à atteindre dès 2020. Les États-Unis viennent [8] eux de s’engager à réduire leurs émissions de 26 à 28 % d’ici à 2025, soit un objectif d’à peine 0,4% par an par rapport à 1990. Quant à la Chine, elle s’engage à atteindre un maximum d’émissions avant 2030, ce qui revient à annoncer qu’elle battra record sur record d’ici là. Sur la base des engagements américains et chinois, il n’y aurait à peine que 1 % de chance [9] de ne pas dépasser les 2°C de réchauffement climatique d’ici la fin du siècle. Avec le système voulu par les États-Unis et aujourd’hui soutenu bien plus largement, qui permet à chaque État de fixer son propre objectif, il n’est plus question de répartir entre les différents pays un budget carbone maximum préalablement établi en fonction des exigences et recommandations scientifiques. C’est à se demander si les gouvernements ne sont pas tout simplement en train d’abandonner l’objectif des 2°C qu’ils se sont eux-mêmes fixés lors de nombreuses échéances internationales (négociations ONU, G8, G20 etc), et au delà duquel les dérèglements climatiques seraient dramatiques.


Peu de financements à l’horizon !


   Il n’y a point d’accord « ambitieux » sans financements conséquents sur la table. Décidé à Copenhague, le Fonds Verts pour le Climat vient à peine de voir le jour. Mais les caisses du fonds restent (presque) vides. Sur les 100 milliards de dollars par an promis pour financer la lutte contre le réchauffement climatique, l’adaptation et les conséquences des phénomènes climatiques extrêmes, à peine un peu plus de deux milliards de dollars ont été collectés à New York. Les annonces de François Hollande, voulues tonitruantes, sont en fait dérisoires [10], et les modalités de leur utilisation sont très discutables [11]. Depuis, les États-Unis et le Japon ont respectivement annoncé contribuer à hauteur de trois et de un milliard et demi de dollars, sans préciser le nombre d’années sur lesquelles ils seront étalés. D’autres pays (Royaume-Uni, Italie, etc) en on fait de même, sans qu’il ne soit encore possible d’atteindre 10 milliards de dollars. Une somme qui ne sera récoltée que sur plusieurs années. Soit une division par plus de dix comparé à ce qui avait été été promis. À ce jour il n’est par ailleurs pas garanti que ces financements, s’ils se confirment, soient publics, additionnels et disponibles sous forme de dons et non de prêts conditionnés, pas plus qu’il n’est assuré qu’ils soient prioritairement destinés aux populations qui en ont le plus besoin.


Faut-il appeler les États à passer à l’action ?


   Nous ne manquons pourtant pas de données et d’études scientifiques pour alerter les chefs d’État et de gouvernement et exiger d’eux qu’ils agissent urgemment. Les derniers rapports du GIEC sont extrêmement alarmants. Il ne se passe pas un mois sans qu’un nouveau record d’émissions de gaz à effet de serre ou de chaleur ne soit battu, comme le montrent les dernières données publiées par l’Organisation météorologique mondiale [12]. Les données et les rapports d’expertise scientifique s’empilent mais ne déclenchent pas de politiques à la hauteur des enjeux, prouvant par là-même qu’il n’existe pas de relation mécanique entre l’accumulation des savoirs scientifiques sur le réchauffement climatique global et la volonté d’en faire un enjeu politique prioritaire. Informer les classes dirigeantes des dernières données disponibles n’a, finalement, pour seule conséquence que d’avoir des classes dirigeantes informées des dernières données disponibles, mais toujours opposées, hélas, à engager la transformation d’un système économique insoutenable.

Les appels invitant les «  leaders » à « passer à l’action » ne manquent pas non plus. Dernier appel en date, les manifestations du 21 septembre dernier dont c’était le mot d’ordre général, extrêmement large, voulu par les organisateurs [13]. Ces manifestations, comme ce fut déjà le cas à Copenhague en 2009, on été massives et déterminées. Elle ont été diverses également de par les exigences exprimées dans les cortèges, y compris pour demander «  un changement de système, pas du climat ». Visiblement, si l’on va au delà des déclarations d’intention, les « leaders » présents au sommet de Ban Ki-moon ne souhaitent pas s’attaquer aux causes profondes du réchauffement climatique [14]. Par conséquent, on se dirige ver les + 4°C, voire les + 6°C d’ici la fin du siècle. Y a-t-il des « leaders du climat » au sein de l’ONU ? Les négociations internationales ont débuté à l’orée des années 1990. Depuis, les émissions mondiales ont augmenté de plus de 60 %, et continuent de croître, année après année. Responsabilité de la Chine, de l’Inde et du Brésil ? Pas seulement : l’empreinte carbone de la France a augmenté de 15 % en vingt ans. Faut-il encore appeler ces « délinquants du climat » [15] à «  passer l’action » ?


Les fausses solutions vont bon train


   Quand les chefs d’État et de gouvernement « passent à l’action », ils ont tendance à mettre en œuvre un agenda de fausses solutions. Tout se passe comme si les classes dirigeantes et le business utilisaient les dernières données et les derniers rapports publiés pour justifier des décisions et des initiatives qui, tout en donnant l’impression qu’ils agissent, contribuent à empirer la situation et à renforcer l’emprise de la finance et des multinationales sur nos économies, sur nos vies et sur la nature. Le récent sommet sur le climat organisé par Ban Ki-moon à New York en est un exemple frappant [16]. Il s’est transformé en un salon des fausses solutions.

Pour renchérir l’utilisation des énergies fossiles, on cherchera à donner un prix au carbone par l’entremise de nouveaux dispositifs de marché et de finance carbone alors que le marché européen, pionnier en la matière, s’est révélé inefficace, dangereux, coûteux et non-réformable [17]. Pour optimiser le captage et le stockage du carbone dans les sols et les forêts, il est proposé d’expérimenter de nouvelles pratiques et techniques agro-forestières – y compris le développement de nouvelles cultures génétiquement modifiées – et de les financer à l’aide de nouveaux dispositifs de finance carbone [18]. Pour que les paysans des pays pauvres puissent faire face aux conséquences des dérèglements climatiques, on leur vendra des outils sophistiqués de prévision météorologique et des polices d’assurance. Pour développer les énergies renouvelables, notamment en Afrique, de vastes programmes d’investissements, confiés aux multinationales et aux marchés financiers, seront lancés pour réaliser des méga-infrastructures, destinées à alimenter de grands projets miniers et industriels, et souvent inutiles et inadaptées aux besoins des populations. La liste est malheureusement longue

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Faut-il pour autant abandonner l’ONU ?


   S’il apparaît improbable [19] d’obtenir un accord juridiquement contraignant, juste et à la hauteur des enjeux à Paris en 2015 et que ces conférences internationales servent aujourd’hui à promouvoir des fausses solutions, alors ne faut-il tout simplement pas abandonner le terrain de l’ONU ? Certains le pensent et considèrent que les ONG et les mouvements n’ont rien à y faire, pire, se fourvoient à continuer d’assister aux négociations : par leur présence, ils ne feraient que légitimer un espace et des procédures de gouvernement qui institutionnalisent et adoucissent les voix critiques, tout en permettant de faire perdurer un modèle économique international insoutenable et à l’origine des dérèglements climatiques.

   Ces critiques ne sont pas infondées, notamment parce que les ONG et les mouvements ont certainement contribué à laisser entendre que les conférences de l’ONU pouvaient véritablement « sauver le climat » et que nous étions finalement tous sur le même bateau. Néanmoins, déserter l’ONU laisserait le champ libre à ceux qui ambitionnent d’étendre l’emprise des multinationales, de la finance et des techno-sciences sur le climat. Quitter l’ONU et ne plus avoir la possibilité de suivre avec précision les négociations reviendrait à accepter que les États puissent se satisfaire d’objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre et de financements très en-deçà des exigences. Se retirer de l’ONU cautionnerait l’emprise croissante du secteur privé sur les instances et programmes de l’ONU alors que la société civile clame depuis des années vouloir prendre possession d’une instance supposée incarner ses intérêts, ceux des « peuples des Nations-Unies » [20].


Au sein de l’ONU, une série de batailles… défensives.


   S’il est sans doute préférable de ne pas abandonner le terrain de l’ONU, encore faut-il caractériser, avec lucidité et sans se voiler la face, ce qu’il est possible de faire sur ce terrain, et à quelles conditions. En un sens, faisons preuve de réalisme et de pragmatisme : tenons compte du fait que ces négociations ne se déroulent pas à l’extérieur d’une situation géopolitique, économique et financière qui en détermine largement les limites. Commençons par reconnaître et accepter que la majorité des batailles à mener au sein de l’ONU sont des batailles défensives. Des batailles pour ne pas trop perdre. Des batailles pour que les objectifs de réduction d’émissions et les niveaux de financements soient les moins pires possibles. Des batailles pour que les conséquences des dérèglements climatiques sur les populations les plus démunies soient mieux prises en compte. Des batailles pour stopper l’expansion de la finance carbone et des solutions techno-scientifiques. Des batailles pour combattre l’emprise des intérêts privés sur les négociations. Ce sont autant de batailles essentielles. Mais ce sont des batailles défensives au sens où elles portent sur un agenda de négociations que les gouvernements se sont donnés et qui n’est pas celui que les ONG, les mouvements et les populations veulent imposer aux gouvernements.


   Ces batailles ne sont pas en mesure d’intéresser et de mobiliser au delà des cercles avertis car, en plus d’être souvent exprimées dans le langage codé des négociations, elles ne donnent pas immédiatement à voir le projet de société qui est envisagé, promu et défendu. Au contraire, compte tenu de l’imbrication des négociations dans de puissants rapports de force géopolitiques et de l’inaction des gouvernements, ces batailles peuvent être décourageantes et générer de la frustration et de la déception. Frustration et déception dont on ne sait qu’elles ne peuvent être les moteurs de l’engagement citoyen. Enfin, ces batailles sont défensives car il n’y a plus de pays ou de groupes de pays avec lesquels les mouvements pour la justice climatique pourraient partager une stratégie commune et passer alliance. Bien-entendu, il reste bien quelques pays avec lesquels il est possible d’essayer de bloquer ou de renforcer tel ou tel point spécifique des négociations. Mais c’est autre chose que de partager une stratégie commune. Ainsi l’Union européenne n’est désormais plus légitime pour incarner un rôle d’exemple [21], tandis que les pays de l’Alba (Bolivie, Equateur, Venezuela etc.), bien que toujours véhéments dans les discours, n’ont plus la volonté de transformer en profondeur les négociations [22]. Pas plus que l’alliance des petites îles (Aosis - Alliance of Small Island States) qui comprend de riches îles-État comme Singapour très intégrées au cœur du capitalisme mondial.


Des batailles défensives aux batailles offensives


   Dès lors que faire ? Que faire pour qu’à la sidération [23] on n’ajoute pas le découragement et l’impuissance ? Vaste question à laquelle il n’y a pas de réponse aisée et définitive. Bien-entendu, les récentes mobilisations sur le climat, comme les manifestations massives du 21 septembre dernier [24] ou le succès du processus Alternatiba [25], sont des dynamiques positives sur lesquelles prendre appui. Néanmoins, ce ne sont pas les premières mobilisations citoyennes réussies en matière de lutte contre les dérèglements climatiques. En mêlant une manifestation réussie (100 000 personnes), un sommet alternatif de qualité et des actions de désobéissance civile massives, la mobilisation citoyenne lors de la conférence de Copenhague fut une très grande réussite. Et pourtant, une grande part des représentants d’ONG et des militants des mouvements sociaux et écologistes sont repartis avec la gueule de bois.

Venus « sauver le climat », encouragés en cela par une série d’ONG ayant fait de Copenhague «  le sommet de la dernière chance », ils ne pouvaient qu’être déçus du résultat des négociations. Tout comme la majorité de toutes celles et tous ceux qui, restés dans leurs pays, regardaient cette conférence avec un œil attentif. Pourtant le résultat des négociations de Copenhague était prévisible pour qui voulait bien tenir compte des réalités géopolitiques mondiales. Or, le climat ne sera pas plus sauvé à Paris qu’il ne l’a été à Copenhague. Pas plus qu’il ne sera possible d’y obtenir un accord ambitieux et contraignant. Bien sûr, on peut refuser de voir les choses en face et appeler de nouveau, comme le font certains, à se mobiliser pour «  sauver le climat » à Paris, sans préciser les contours des objectifs que l’on se donne. Comme cela n’arrivera pas – les contours d’un éventuel futur accord et les engagements des pays sont pour l’essentiel déjà connus – une nouvelle gueule de bois serait assurée et nous connaîtrons un reflux des mobilisations et implications citoyennes dans les mois qui suivront. Bis repetita après Copenhague.


   Une autre option consiste à ne pas se raconter d’histoire. Oui, bien sûr, il faut « passer à l’action ». Mais les mouvements pour la justice climatique ne peuvent se satisfaire que les gouvernements et le secteur privé « fassent quelque chose » (« Do something »). Ils ne peuvent se satisfaire de l’agenda étroit des négociations et des dynamiques actuelles concourant à un accord qui ne sera pas à la hauteur des enjeux. Non, ce que nous voulons, c’est tout changer ! (« We want to change everything »). Pas parce que cela nous amuse. Pas parce que nous préférons nous fixer des objectifs très ambitieux plutôt que de mettre en œuvre une stratégie des petits pas – stratégie qui montre toutes ses limites en matière de lutte contre les dérèglements climatiques. Pas non plus parce que nous vivons dans l’illusion du grand soir ou du petit matin. Nous voulons « tout changer » parce que c’est la crise climatique et la nécessaire justice climatique qui l’exigent, lorsqu’on en tire toutes les conséquences. Comme le montre Naomi Klein dans son nouveau livre [26], c’est notre modèle de développement, le capitalisme néolibéral et ses exigences de rentabilité économique et financière, qui est insoutenable et qu’il faut transformer en un système qui vise, non pas le maintien d’un modèle de croissance infinie, mais l’harmonie entre les humains et la nature et qui réponde aux besoins de la majorité [27].


« Changer le système », mais pas avec n’importe qui !


   Justement, en matière de climat, si rien n’a été fait qui ne soit à la hauteur des enjeux, c’est parce que les véritables solutions à la crise climatique entrent nécessairement en conflit avec le modèle économique dominant et l’idéologie qui le porte. Sobriété et efficacité énergétique, décentralisation et démocratisation des systèmes énergétiques, souveraineté alimentaire et agro-écologie paysanne, relocalisation des productions et des consommations, égalisation des modes de vie dans le cadre d’une politique du bien-vivre et de décroissance de l’empreinte écologique, coopération et solidarité économiques, etc. Les solutions aux dérèglements climatiques se heurtent frontalement aux politiques de compétitivité et aux politiques de libéralisation des échanges et des investissements qui génèrent une mise en concurrence accrue des populations et des territoires les uns avec les autres. Là où les premières s’appuient sur des principes de respect des grands équilibres écologiques et de coopération entre les populations pour construire un avenir commun, les politiques de compétitivité et de libéralisation font primer les exigences de rentabilité économique et financière sur tout le reste, y compris les exigences climatiques.


   Pour « sauver le climat », il ne peut y avoir d’accommodements raisonnables avec les modes de développement productivistes insoutenables. Il est nécessaire de s’adresser aux causes structurelles des dérèglements climatiques. À ce compte-là, il ne peut y avoir de jeu gagnant-gagnant avec ceux qui défendent un modèle économique basé sur les énergies fossiles, à commencer par les multinationales du pétrole. Il faut l’assumer. Et les bloquer là où leur agenda avance. Ainsi, en est-il des accords de libre-échange et d’investissements que l’UE négocie respectivement avec le Canada (CETA) et les États-Unis (TAFTA), , qui visent à étendre la production et le commerce des hydrocarbures non conventionnels (sables bitumineux, gaz et pétrole de schiste) des deux côtés de l’Atlantique. Les politiques de libre-échange et d’investissements structurent nos économies et nos sociétés de telle sorte qu’elles deviennent très fortement dépendantes des importations et exportations d’énergies fossiles, tout en réduisant les capacités de mise en œuvre de véritables politiques de transition énergétique [28]. Pour imposer nos solutions, il faut faire refluer l’agenda du business as usual. Tout le monde n’a pas intérêt à changer de système. Nous n’avons pas intérêt à ce que tout le monde continue à agir [29].


Décentrer notre stratégie : de la COP21 à Paris2015


   Une transformation si profonde des sociétés et des économies ne se fera pas en deux coups de cuillère à pot. C’est une évidence. Nous ne l’obtiendrons pas et nous ne l’imposerons pas lors d’un conférence de l’ONU telle que la COP21 de Paris2015. C’est une autre évidence. Est-ce suffisant pour en délégitimer l’horizon et ranger cette ambition sous le paillasson du réalo-pragmatisme qui nous inviterait à nous restreindre à ce qui pourrait être avalisé par des chefs d’État si peu ambitieux et si peu exigeants ? À l’inverse de certains, nous ne le croyons pas. Au contraire. ONG et mouvements sociaux et écologistes devraient se fixer pour objectif de réencastrer les négociations et politiques portant sur le climat dans une bataille généralisée visant à transformer profondément le capitalisme néolibéral productiviste et dévastateur qui sévit partout sur la planète. Le fait qu’il n’y ait pas grand chose de tangible, pas grand chose à gagner, et rien qui ne soit à la hauteur des enjeux, dans les négociations, rebat les cartes. La majorité des organisations de la société civile l’a d’ailleurs montré lors de la conférence de Varsovie en 2013 en décidant de quitter les négociations [30]. Par ailleurs, certaines institutions internationales, comme la Banque mondiale, ont décidé de ne pas attendre un accord international au sein de l’ONU pour mettre en œuvre leurs projets [31] en matière climatique, et nous invitent donc à ne pas se focaliser uniquement sur les conférences de l’ONU sur les dérèglements climatiques.


   En continuant à agir comme ils le font, les gouvernements disent à l’opinion publique internationale qu’il n’y a pas grand chose d’ambitieux à gagner lors de la COP21. Ce faisant, ils offrent l’opportunité à la société civile de délaisser les « texts and brackets » [32] des négociations pour se concentrer sur une stratégie de long terme, dont Paris2015 ne serait qu’une étape, qu’une caisse de résonance, visant à transformer durablement le rapport de force en faveur d’une transition écologique et sociale d’ampleur. En quelque sorte, c’est au nom de l’urgence de l’action pour le climat qu’il faudrait urgemment ne plus se focaliser sur la Convention climat de l’ONU, ne plus se perdre dans la technicité des négociations. Ainsi, il serait possible de dégager du temps et de l’énergie pour prendre du recul et se servir de Paris2015 comme d’un moment clef dans la perspective d’accumuler de la force et de l’énergie qui nous seront absolument nécessaires dans les mois qui suivront. Bien-entendu, ceci ne signifie pas qu’il faille se désintéresser complètement des négociations et de l’ONU. Cela signifie au contraire qu’il faudrait utiliser ce rendez-vous pour décentrer l’attention, pour imposer notre propre agenda et pour mener toute une série de batailles clefs gagnables et qui ne se jouent pas nécessairement à l’intérieur de l’ONU. En un sens, passer de l’appellation COP21 à Paris2015 revient à ne pas réduire la lutte contre le changement climatique aux négociations de l’ONU, et au contraire à l’élargir à toute une série de problématiques et conflits en cours qui n’y sont pas systématiquement rattachés.


De la justice climatique à Alternatiba et Blockadia


   Les bilans d’après Copenhague des coalitions Climate Justice Action [33] et Climate Justice Now ! [34]pointaient déjà la nécessité de ne plus faire dépendre la construction d’un mouvement global pour la justice climatique de l’agenda des sommets globaux : après le succès de l’action de désobéissance civile non violente Reclaim Power [35] du 16 décembre 2009, engagement avait été pris de décentraliser et démultiplier l’organisation d’assemblées des peuples, au niveau local et régional [36]. Contre les projets climaticides et pour mettre en œuvre des solutions directes, il s’agissait de s’appuyer sur des formes de solidarités translocales – des solidarités entre des luttes ou des alternatives ancrées sur les territoires – comme vecteur de la construction d’un mouvement global. Ce défi, colossal, est toujours présent : comment relocaliser et ancrer nos imaginaires et nos mobilisations dans des expériences et des réalités concrètes, y compris de la vie quotidienne [37], dans la perspective de redécouvrir notre puissance d’agir collective ? Une puissance d’agir qui sera d’autant plus forte, et plus large, si nous sommes en mesure de nous dégager d’une logique de sensibilisation et de mobilisations citoyennes qui repose sans doute trop sur une heuristique de la science et de l’expertise : il ne suffit pas de savoir que le réchauffement climatique est là pour passer à l’action. Si l’empilement des rapports d’expertise n’implique pas mécaniquement des mesures et des politiques à la hauteur des enjeux, il ne déclenche pas non plus la mobilisation citoyenne générale. Au contraire, cette seule approche génère sans doute plus de sidération que d’engagement.


   Deux dynamiques citoyennes nous semblent contribuer à ce processus de relocalisation des luttes et des imaginaires tout en conservant la perspective d’un mouvement global pour la justice climatique se confrontant aux causes structurelles du réchauffement climatique. La première s’appuie sur les « frontline struggles », ces luttes qui visent à stopper l’expansion de la frontière extractiviste (des hydrocarbures de schiste aux nouveaux projets miniers) et la construction de nouvelles infrastructures inutiles, imposées et inadaptées (aéroports, autoroutes, barrages, stades, etc.). À la suite des puissantes mobilisations en Amérique du Nord contre la construction de nouveaux pipelines visant à exporter le pétrole issu des sables bitumineux d’Alberta (Canada), nous pourrions appeler cette dynamique de mobilisation internationale Blockadia [38]. Sur l’autre versant se situe la dynamique d’innovation, de développement, de renforcement et de mise en lumière des expériences alternatives concrètes, qu’elles soient locales ou à prétention régionale et globale-, et qui visent à transformer profondément nos modèles de production et de consommation jusqu’ici insoutenables. En empruntant le terme au processus lancé en octobre 2013 à Bayonne (Pays Basque) par Bizi ! et des dizaines d’organisations basques, espagnoles et françaises, nous pourrions, par extension, appeler Alternatiba cette dynamique citoyenne à l’oeuvre, sous des formes différentes, aux quatre coins de la planète.


   Ces deux dynamiques incarnent clairement un virage éco-territorial des luttes sociales, pour reprendre le terme que la sociologue argentine Maristella Svampa [39] utilise pour caractériser l’essor des luttes en Amérique latine qui mêlent langage écologiste et pratique de la résistance et de l’alternative inscrite dans des territoires. Le territoire n’est pas ici un confetti qu’il faudrait sauver des dégâts du productivisme, de l’industrialisation ou de la mondialisation néolibérale. Il est au contraire l’espace à partir duquel se construisent résistances et alternatives, c’est-à-dire à partir duquel se pense et s’expérimente le dépassement des modèles économiques, financiers et technologiques insoutenables actuels. Ici, aucun égoïsme du type « je ne veux pas de ce projet chez moi, ailleurs, je m’en fiche » : la préservation, la promotion et la résilience de tous les territoires représentent l’horizon d’ensemble. D’une certaine façon, les mobilisations contre les gaz et pétrole de schiste, en France et dans de nombreux autres pays, qui clament « Ni ici ni ailleurs » [40], notamment lorsqu’elles se doublent d’exigences de transition énergétique radicale, participent de cette même logique.


Élargissement et radicalisation pour imposer la transition écologique et sociale


   De notre point de vue, si ces deux processus ont des points de départ distincts, ils ouvrent des espaces qui sont source à la fois d’élargissement et de radicalisation des dynamiques citoyennes pour la justice climatique. Elargissement parce qu’en s’appuyant respectivement sur l’opposition à un projet dévastateur qui touche notre quotidien, et sur le développement d’expériences qui améliorent notre quotidien et donne à voir le monde de demain, ces deux processus rendent possibles l’inclusion de franges de la population qui ne s’impliqueraient pas dans des espaces militants classiques. Il n’y a point besoin d’être expert-e-s en climatologie ou science de l’environnement pour s’impliquer dans ces dynamiques. Ce sont par ailleurs deux processus qui autorisent la juxtaposition de pratiques, tactiques et stratégies diverses et variées [41] : il est possible de s’engager sans avoir à se conformer à un moule militant souvent perçu et vécu comme trop étroit. Cet élargissement est également un processus de radicalisation, ne présageant pas de la « radicalité » des participants : se confronter à la puissance des promoteurs des projets climaticides ou à la difficulté de déploiement des alternatives concrètes à grande échelle, permet de toucher du doigt que la lutte contre le changement climatique n’est pas soluble dans un grand récit de l’unification de l’espèce humaine, du dépassement de tous les clivages.


   Hydrocarbures de schiste, expansion de la frontière extractiviste, grands et petits projets inutiles, accords de libre-échange et d’investissements, dispositifs de financiarisation de la nature, agro-industrie et OGM, nucléaire, accroissement des inégalités, lobbying effréné des multinationales, banques climaticides, les luttes locales et les batailles globales pour affaiblir tous ceux qui entravent la lutte contre les dérèglements climatiques ne manquent pas. Tout comme les batailles pour mettre en œuvre des expériences alternatives concrètes : souveraineté alimentaire et agroécologie paysannes, circuits-courts, relocalisation de l’économie, partage du travail et des richesses, isolation des logements, reconversion sociale et écologique de la production en assurant le maintien des emplois, réappropriation et promotion des biens communs, réparation et recyclage, réduction des déchets, transports doux et mobilité soutenable, éco-rénovation, énergies renouvelables, etc. Du côté des dynamiques Blockadia et Alternatiba, il est clairement assumé que la transition écologique et sociale nécessite de profonds changements structurels que les élites rejettent pour ne pas transformer un système politique et économique qui assure leur domination et leur puissance. Pour faire refluer l’emprise des multinationales et des intérêts privés sur nos vies, la nature et notre avenir, appuyons-nous donc sur ces luttes et ces alternatives afin de les renforcer et de les rendre incontournables.


Faire de Paris2015 un « Seattle des fausses solutions » et un « Cochabamba de nos solutions » !


Faire de Paris2015 un « Seattle des fausses solutions » revient à travailler pour que Paris2015 soit un moment fondateur du mouvement pour la justice climatique comme Seattle et Cochabamba le furent pour le mouvement altermondialiste, afin d’ébranler, et enterrer si nous le pouvons, toutes ces promesses techno-scientifiques et néolibérales consistant à affirmer que de nouvelles technologies, des investissements de multinationales et des mécanismes de marché peuvent solutionner la crise climatique. La référence à Seattle fait écho aux actions de désobéissance civile dont nous avons besoin pour démontrer l’illégitimité de toutes les fausses solutions qui sont promues lors des conférences de l’ONU sur le changement climatique. La référence à Cochabamba [42] renvoie elle à l’un des moments fondateurs des luttes contre les multinationales visant à se réapproprier l’eau qui a conduit à plus de 180 cas de remunicipalisation de l’eau dans le monde en quinze ans [43]. Cela revient à faire de Paris2015 un moment, parmi d’autres, de la construction d’un mouvement international pour la justice climatique qui soit capable de se mobiliser dans la durée et d’accumuler de la force, d’engranger des petites et des grandes victoires tout en racontant une histoire mobilisatrice. Moins focalisés sur « les texts and brackets » [44], et plus sur notre propre agenda, sur la construction de nos « actions et alternatives ».


   Cette référence à Seattle n’est pas nouvelle. Déjà à Copenhague, en 2009, nous avions évoqué un « Seattle-like-moment », en nous appuyant sur une mobilisation citoyenne massive et dynamique, mêlant à des initiatives classiques (manifestation, sommet des peuples etc.) des actions de désobéissance civile d’ampleur (l’action Reclaim Power du 16 décembre) et une articulation plutôt réussie entre l’intérieur et l’extérieur des négociations. Néanmoins, en positionnant la grande manifestation le week-end situé entre les deux semaines de négociation, et les actions en amont de la fin du sommet, que ce soit à Copenhague ou ailleurs, la société civile internationale raconte peu ou prou la même histoire, quel que soit son mot d’ordre : « à vous les gouvernements d’agir pour lutter efficacement contre les dérèglements climatiques ». Cela revient à donner les clefs aux gouvernements et attendre qu’ils agissent. Puisqu’ils n’agissent pas, pas assez, ou pas dans la bonne direction, la fatigue et la déception ne peuvent que l’emporter à la fin.


Avoir le dernier mot !


   Une autre option consisterait à construire les différents temps de mobilisation de manière à avoir le dernier mot à Paris. Si nous décidons de faire de Paris2015 une étape de la construction de la mobilisation pour la justice climatique, une caisse de résonance pour faire avancer nos luttes et emmagasiner de la force, alors pourquoi ne pas positionner l’apex des mobilisations à la fin des négociations ? Ainsi, la colère née des errements et des limites des négociations pourrait nourrir les manifestations et les actions massives de désobéissance civile que nous pourrions organiser en fin de négociations. Nous pourrions galvaniser les énergies lors des tous derniers jours : « vous, les gouvernements, vous parlez et négociez pour le pire, vous les multinationales utilisez les négociations pour maintenir votre emprise sur notre futur, nous, les peuples, nous marchons et nous agissons pour changer de système et nous ne lâcherons jamais ». Une telle proposition ne signifie pas abandonner toute volonté d’influer sur l’ONU, les États et les négociations. D’une part parce qu’il est tout à fait envisageable d’organiser des mobilisations décentralisées tout au long de l’année 2015 en ce sens, y compris lors du début des négociations. D’autre part parce que positionner les mobilisations massives lors des derniers jours laisse l’opportunité de faire dérailler les négociations s’il est jugé pertinent de le faire.


   Par contre, une telle proposition raconte une toute autre histoire que celle consistant à manifester au cœur des deux semaines de négociations pour faire pression sur l’ONU, les États et les négociations. S’il suffisait de manifester quelques jours avant la clôture des négociations pour influer sur le résultat, Copenhague, lieu de la plus grande manifestation jamais organisée sur les défis climatiques à l’époque, aurait eu un tout autre résultat. Différer le gros des mobilisations citoyennes à la fin de la COP21 de Paris2015, c’est se donner la possibilité de dicter le dernier mot et de ne pas le laisser à d’autres. C’est abandonner le rôle de spectateur et de commentateur auquel nous sommes cantonnés dans les dernières heures des négociations et, au contraire, utiliser l’incertitude qui les entoure, pour devenir prescripteur d’opinion en imposant notre grille de lecture, et nos perspectives, dans l’espace public. Point de déception et de gueule de bois en fin de négociations, mais au contraire l’énergie et la détermination générées et communiquées par des mobilisations citoyennes réussies. De quoi construire au lendemain de Paris2015, dans nos pays, territoires et secteurs respectifs, ce que la déception et la gueule de bois ne permettent pas de faire. Car « nous ne lâcherons plus jamais » !


Sale nuit pour le climat : l'UE tourne le dos aux recommadations du GIEC

En se mettant d'accord sur un très faible objectif de réduction d'émissions et en abandonnant toute ambition d'amélioration significative de l'efficacité énergétique et du déploiement des énergies renouvelables, les Etats-membres de l'UE tournent le dos aux recommandations du GIEC et à leurs
propres engagements visant à rester en deçà des 2°C de réchauffement climatique global.
  Sale nuit pour le climat. Le paquet-énergie climat 2030 (PEC 2030)1 validé durant la nuit à Bruxelles par les Chefs d'Etat et de gouvernement des 28 Etats-membres institue un revirement majeur de l'UE en matière de lutte contre les dérèglements climatiques. Les représentants de l'UE et de ses Etats-membres ne manquent pas une occasion pour affirmer qu'il faut agir urgemment pour ne pas aller au delà des 2°C de réchauffement climatique global et qu'il faut, pour cela, agir « conformément aux exigences scientifiques ». Depuis la nuit du 23 au 24 octobre, les représentants de l'UE et de ses Etats-membres ne pourront plus l'affirmer. De facto, ils ont tourné le dos aux exigences et recommandations scientifiques. Ils rejoignent la classe des délinquants du climat.


Six années de perdues !


  Les scénarios du GIEC qui permettraient de conserver une chance raisonnable de ne pas dépasser les 2°C de réchauffement climatique d'ici la fin du siècle le montrent clairement : les années précédant 2020 sont clefs et doivent être utilisées pour réduire beaucoup plus fortement les émissions dans les pays dits « développés ». En effet, selon un rapport du PNUE2, si rien ne change, les pays de la planète vont émettre 13 gigatonnes de CO2 de trop en 2020 (57 gigatonnes au lieu de 44 gigatonnes de CO2) par rapport aux trajectoires acceptables. Aucun Etat-membre de l'UE n'a
pourtant proposé de revoir à la hausse l'objectif de 20 % de réduction d'émissions d'ici 2020. Et ce alors que cet objectif de 20 % devrait être atteint avant le terme par les pays de l'Union européenne, si l'on ne tient pas compte des émissions incorporées dans les biens et services importés.
Repousser les efforts après 2030
   Pour l'après 2020, et d'ici 2030, les Etats-membres ont validé un objectif de 40 % de réductions d'émissions par rapport à 1990. Certains chefs d'Etat et certains commentateurs présentent cet objectif comme ambitieux. Il est vrai que les lobbies industriels et les Etats-membres les plus récalcitrants exigeaient de ne pas dépasser la barre des 35 %. Cet objectif de 40 % est pourtant largement insuffisant. Avec un tel objectif, l'UE repousse à l'après 2030 l'essentiel des efforts à réaliser d'ici à 2050. En effet, pour obtenir une réduction de 80 % des émissions, objectif minimal que s'est fixé l'Union européenne d'ici à 2050, cela reviendrait à planifier une diminution de 5 % par an de 2030 à 2050, contre à peine 1,3 % par an jusqu'en 2030. Un effort continu dans le temps permettrait de tabler sur un taux de réduction d'émissions de 2,5 % par an. Selon les derniers scénarios rendus publics par le GIEC qui permettent de ne pas aller au-delà des 2°C de réchauffement climatique global, l'UE est invitée à s'orienter encore plus rapidement vers une décarbonification complète de son économie. Selon le climatologue Kevin Anderson du Tyndall Centre for Climate Change Research, ceci impliquerait que l'UE réduise de 80% ses émissions
liées à son système énergétique d'ici 2030.


Maximiser le stock de carbone dans l'atmosphère


En matière de dérèglements climatiques, les scientifiques rappellent que l'important n'est pas le niveau d'émissions une année donnée, mais l'accumulation des gaz à effets de serre dans l'atmosphère au cours des années. Pour le dire autrement, l'important n'est pas tant de savoir quel sera le niveau d'émissions en 2050 que de connaître le chemin de réduction d'émissions année après année par lequel on y arrive. Plus les émissions sont réduites fortement en début de période, plus le montant d'émissions accumulées dans l'atmosphère sera faible. Plus on attend la fin de période pour réduire les émissions, plus le montant accumulé sera important. En repoussant à l'après 2030 l'essentiel des efforts de réductions d'émissions, les Etats-membres maximisent donc la quantité totale d'émissions que l'UE va accumuler3 dans l'atmosphère au cours de la période 2020-2050.


Les énergies renouvelables abandonnées à leur triste sort


   En octobre 2013, une douzaine de grandes multinationales de l'énergie européennes avaient appelé l'Union européenne à freiner le soutien public au développement des énergies renouvelables. Le moins qu'on puisse dire est qu'elles ont été entendues. Le maigre objectif de 27 % d'énergies renouvelables d'ici 2030 ne permettra par d'accélérer le déploiement des énergies renouvelables en Europe. A l'inverse du paquet énergie climat 2020, cet objectif ne s'accompagne d'aucune clef de répartition nationale contraignante, laissant chaque pays déterminer son niveau d'énergies renouvelables. Concrètement, l'Allemagne pourra continuer à développer les énergies renouvelables pendant que le Royaume-Uni, la Pologne, la France, l'Espagne etc. auront les mains libres, que ce soit pour développer ou maintenir leur production électrique d'origine nucléaire, ou pour encourager l'exploitation des hydrocarbures de schiste.


Un inefficace objectif d'efficacité énergétique


   Une amélioration drastique de l'efficacité énergétique, que ce soit dans la production d'électricité ou dans la rénovation thermique des habitations, aurait par exemple contribué à respectivement rendre l'énergie nucléaire et le chauffage électrique moins attractifs. Impensable pour certains énergéticiens et certains Etats-membres qui avaient déjà contribué à torpiller la directive sur l'efficacité énergétique en 2012. Les Chefs d'Etat se sont donc mis d'accord sur une amélioration de 27 % de l'efficacité énergétique d'ici à 2030, un objectif non contraignant et moins ambitieux que le prolongement des tendances actuelles.
Pourtant, en cumulant des objectifs ambitieux de réduction d'émissions de gaz à effet de serre, de développement d'énergies renouvelables et d'efficacité énergétique, l'Union européenne aurait clairement posé les bases de ce qu'aurait pu être une politique visant à entrer dans une ère postfossile et post-fissile. En effet, schématiquement, les sources d'énergies qui permettent à la fois de réduire les émissions à gaz à effets de serre, d'augmenter la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique et d'améliorer l'efficacité énergétique se limitent... aux économies d'énergie et aux énergies renouvelables. Cela aurait été une manière également de réduire la dépendance de l'UE aux importations d'énergies fossiles et d'améliorer sensiblement la sécurité énergétique européenne. Ce n'est pas ce qui a été choisi par le Conseil européen.


Des contreparties climaticides


   Pour obtenir ces trois maigres objectifs de réduction d'émissions, d'efficacité énergétique et de développement des énergies renouvelables, des contreparties ont été accordées aux Etats récalcitrants. A la demande de la Pologne, mais également de la France et de l'Allemagne, les entreprises électro-intensives soumises à la concurrence internationale continueront de bénéficier d’allocations gratuites de permis d’émission, là où les autres secteurs doivent désormais les acheter aux enchères. Les pays les moins riches de l'UE (PIB inférieur à 60 % de la moyenne européenne) pourront délivrer des permis d'émission gratuitement à leur secteur énergétique, selon un dispositifqui aurait du expirer en 2020. Là où l'Union européenne aurait pu prendre l'engagement de ne plus financer et soutenir le secteur du charbon – un minimum au XXIème siècle – elle va continuer à financer son développement.
   Non réformé, le marché carbone européen est une entrave à la transition post-fossile Au delà des objectifs de réduction d'émission de gaz à effets de serre, le marché carbone est aujourd’hui pensé comme le pilier central des instruments européen de mise en oeuvre des politiques européennes de lutte contre les dérèglements climatiques. Les institutions européennes lui vouent un attachement idéologique sans faille. Pourtant, la liste des griefs envers le marché carbone européen est sans fin : un fiasco réglementaire, une aubaine pour les industriels, un instrument inefficace et non-incitatif, un dispositif sujet aux fraudes et aux malversations etc. comme le résument précisément plusieurs dizaines d'organisations sociales et écologistes exigeant qu'on y mette fin5. Avec un tel bilan, n'importe quel dispositif aurait été supprimé et enterré. Pas le marchécarbone européen.
La Commission européenne a d'abord perdu près de deux années à faire valider une proposition, dite de « backloading », visant à retarder l'introduction de quelques 900 millions permis pour la période 2013-2020. Sans effet notable puisque le prix de la tonne carbone reste extrêmement bas.
   Les estimations les plus basses considèrent que ce sont au bas mot plusieurs milliards de permis qui sont en trop. Pour obtenir ce « backloading », la Commission européenne s'est par ailleurs liée les mains en s'engageant à ne plus intervenir à nouveau directement sur le marché carbone... pour laisser jouer le libre jeu du marché. La « réforme structurelle » du marché du carbone annoncée dans le paquet énergie climat 2030 se limite à des toutes petites mesures qui ne seront pas effectives avant 2021 et qui ne seront pas de nature à résoudre les défaillances structurelles de ce marché.


Primeur à la compétitivité-coût et à la concurrence


  Dans l'énoncé des objectifs poursuivis par le paquet énergie-climat 2030, la compétitivité-coût de l'économie européenne occupe une place de choix, souvent la première : « une économie de l'UE compétitive, sûre et à faibles émissions de carbone ». L'objectif est répété à satiété. Il s'agit de mettre sur pied un « système énergétique compétitif et sûr qui garantisse une énergie à un prix abordable pour tous les consommateurs ». Cette compétitivité est le plus souvent mise en balance avec la lutte contre le changement climatique. La seconde ne doit pas venir détériorer la première.
   On retrouve là les orientations fixées par le Conseil européen de l'énergie du 22 mai 2013 : « les défis énergétiques auxquels l'UE doit faire face se limitent aux prix trop élevés de l'énergie, à la compétitivité industrielle, à l'achèvement du marché intérieur, aux infrastructures d'interconnexion
des circuits de distribution et à la nécessité d'encourager le secteur privé pour financer et investir »6.


« Le mode de vie européen n'est pas négociable »


   Si Georges Bush a déclaré que « le mode de vie américain n'était pas négociable » à Rio de Janeiro en 1992, les institutions européenne mettent en oeuvre cet adage avec une grande constance depuis plus de vingt ans. Ainsi, un quart de siècle après le premier rapport du GIEC, l'intensité en carbone de la vie d'un citoyen moyen de l'UE reste inchangée7. L’empreinte carbone par habitant des Français a même augmenté8 de 15 % en 20 ans si on prend en compte les émissions incorporées dans les biens et services consommés en France et importés de l'étranger. Pour l'Union européenne et ses Etats-membres, il n'est aucunement question de mettre en oeuvre des politiques de sobriété énergétique. Au contraire, comme le montrent9 les négociations commerciales avec le Canada et les
Etats-Unis, il s'agit de mettre tout en oeuvre dans la perspective de maintenir, voire d'accroître, l'approvisionnement en énergies fossiles et la dépendance aux importations, de l'Union européenne.


Conclusion


  Alors que l'Union européenne devrait s'orienter vers une économie post-fossile et post-fissile, le Conseil européen des 23 et 24 octobre 2014 a bloqué toute transformation d'envergure du système énergétique européen. Ne pouvant plus prétendre à aucun leadership international en matière de
lutte contre les dérèglements climatiques, l'Union européenne rejoint la classe des délinquants du climat, regroupant les pays qui se refusent à entrer de plein pied dans la lutte contre les dérèglements climatiques, privilégiant les intérêts de leurs multinationales de l'énergie plutôt que l'avenir de la planète et des populations.


Maxime Combes, membre d'Attac France et de l'Aitec, engagé dans le projet Echo des Alternatives (www.alter-echos.org)


1 Les conclusions du Conseil sont disponibles ici :
http://www.consilium.europa.eu/uedocs/cms_data/docs/pressdata/en/ec/145356.pdf
2 http://www.unep.org/pdf/UNEPEmissionsGapReport2013.pdf

3 Dans le même esprit, il est symptomatique du manque d'ambition de l'UE de ne pas s'être engagé à réduire de 40 % la quantité cumulée d'émissions sur la période 2020-2030.
4 https://www.gdfsuez.com/wp-content/uploads/2013/11

5 http://www.france.attac.org/articles/il-est-temps-de-mettre-fin-au-marche-du-carbone-europeen-pour-une-veritabletransition
6 Voir cette analyse : http://blogs.mediapart.fr/blog/maxime-combes/230513/sommet-de-lenergie-lue-dit-bye-bye-auclimat-
et-salue-les-lobbys-industriels
7 Voir le Global Carbon Atlas pour les données - http://www.globalcarbonatlas.org/?q=en/content/welcome-carbonatlas