Conférence de financement : comment trouver 12 milliards d’€ (et plus) sans retarder l’âge de départ à la retraite ?

jeudi 30 janvier 2020, par Attac France

Ce jeudi 30 janvier, s’ouvre la « conférence de financement » sur les retraites. L’objectif affiché par le gouvernement d’Edouard Philippe est de « combler un déficit estimé à 12 milliards d’€ ». En écartant toute hausse ou modification de l’assiette des cotisations, l’exécutif a tracé la voie privilégiée : retarder l’âge de départ à la retraite.

Pourtant, d’autres voies existent qui peuvent permettre à la fois de trouver les 12 milliards recherchés, et même financer une nette amélioration du système de retraites actuel.

Le gouvernement a accepté une conférence de financement sur les retraites, mais en écartant au préalable toute proposition qui ne soit pas conforme aux très fortes restrictions posées par Edouard Philippe, dans la lettre aux syndicats du 11 janvier, tout comme dans l’article 57 du projet de loi qui précise que l’exécutif peut « prendre les mesures permettant d’assurer cet équilibre sans baisse des pensions ni hausse du coût du travail ». Sont ainsi écartées toute hausse des cotisations, modification de l’assiette ou abandon des exonérations.

 

La somme de 12 milliards évoquée par le gouvernement est critiquable, le COR lui-même reconnaissant que son évaluation provient de conventions comptables discutables. De plus, ce déficit est en grande partie artificiel et provient essentiellement de la baisse des ressources affectées au système, en raison de la forte baisse de la part de la masse salariale du secteur public, de la non-compensation de certaines exonérations de cotisations sociales, de la baisse des transferts de l’Unedic et de la CNAF [1].

 

Toutefois, s’il fallait nécessairement trouver 12 milliards d’euros, nous présentons trois pistes, parmi d’autres possibles, qui relèvent de la justice sociale :
 

  • la taxation des revenus du capital
    • Élargir l’assiette des cotisations avec l’application d’un taux jusqu’à l’équivalent de 28,1% (taux de cotisation appliqué sur les salaires bruts) aux revenus du capital distribués aux actionnaires (91 milliards d’euros par an).
    • Total : un potentiel de 25,6 milliards d’euros, soit plus du double de ce que cherche la conférence de financement.
    • Un taux de 13% permettrait donc potentiellement de récupérer environ 12 milliards d’euros, objectif assigné à cette convention.
  • la mise à plat des politiques fiscales incitatives
    • Supprimer les allègements de cotisations en place (5 milliards d’euros), compenser les exonérations dues par l’État (5,2 milliards d’euros), mettre en place une légère surcotisation patronale sur les temps partiels imposés (1 milliard d’euros).
    • Total : 11,2 milliards d’euros
  • le renforcement des cotisations salariales et patronales
    • Augmenter de 1,3 point le taux de cotisation (salariale et patronale).
    • Total : 12 milliards d’euros

On constate ainsi qu’il existe d’autres options que celle de travailler plus longtemps. De multiples pistes de financement pourraient être explorées : réduction des inégalités femmes-hommes, augmentation des salaires, mise à plat des allégements de cotisations sociales, surcotisation patronale sur les emplois à temps partiel imposé, élargissement de l’assiette des cotisations sociales aux revenus du capital, hausse des cotisations retraites...

 

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Attac France et la Fondation Copernic ont publié un rapport [2] qui montre qu’avec ces mesures de justice sociale, un potentiel de financement de 46,1 milliards d’euros par an pourrait être dégagé. Une somme qui permettrait non seulement de compenser le déficit passager du système actuel des retraites, mais de l’améliorer considérablement en annulant les mesures régressives prises par les gouvernements précédents et en créant et finançant de nouveaux droits.


Manif du 24 janvier Toulon


[Rapport] Un autre projet de retraites est possible !

jeudi 23 janvier 2020, par Attac France, Fondation Copernic

Le gouvernement a décidé de passer en force en présentant son projet de loi devant le Parlement. Ce projet, s’il était mis en œuvre, aboutirait à augmenter toujours plus le temps passé au travail et/ou à baisser le niveau des pensions. Cette nouvelle « réforme » représente une rupture par rapport aux précédentes du fait de la modification structurelle du système, mais elle se situe néanmoins dans la même logique qui vise à diminuer les dépenses publiques et ouvrir la voie à la retraite par capitalisation.

Pour consulter en plein écran le rapport d’Attac et de la Fondation Copernic « une autre réforme des retraites est possible », merci de cliquer sur ce lien

 

Refuser un tel projet ne vaut donc pas acceptation du statu quo. Attac et la Fondation Copernic considèrent que le système de retraites actuel doit être notablement amélioré en revenant notamment sur les mesures régressives prises par les gouvernements précédents mais aussi en assurant de nouveaux droits. Il s’agit alors de modifier l’organisation actuelle du système avec l’objectif d’harmoniser par le haut les différents régimes pour construire un droit universel à la retraite sur la base de quatre principes : tenir compte des spécificités professionnelles ; combattre les inégalités, en particulier entre les femmes et les hommes, en assurant une redistribution par des dispositifs de solidarité renforcés ; garantir un montant de pension qui permette un maintien du niveau de vie lors du départ en retraite ; partir assez tôt en retraite pour que cette période de vie puisse être vécue sans incapacité.

 

Tenir ces objectifs suppose de rompre avec le dogme qui vise à limiter la part des retraites dans la richesse produite, le PIB. Attac et la Fondation Copernic chiffrent à 17 % du PIB - soit trois points supplémentaires par rapport à aujourd’hui - le montant des dépenses nécessaires à cette réforme progressiste et présentent les nouvelles sources potentielles de financement : réduction des inégalités femmes-hommes, augmentation des salaires, mise à plat des allégements de cotisations sociales, surcotisation patronale sur les emplois à temps partiel imposé, élargissement de l’assiette des cotisations sociales aux revenus du capital...

 

Enfin, le projet présenté par Attac et la Fondation Copernic ne se base pas sur la course sans fin à toujours plus de croissance. La contrainte écologique pèse sur les programmes sociaux d’autant plus que la répartition des revenus se fait actuellement au détriment du travail et que le modèle productif n’est pas résolument réorienté. C’est avec cette logique que ce projet entend rompre.

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Un autre projet de retraite est possible
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Axa, AG2R, Amundi, BlackRock : qui seront les grands gagnants du développement de la retraite par capitalisation ?

jeudi 16 janvier 2020, par Attac France, Maxime Combes

Cette courte note vise à faire un tour d’horizon des acteurs de l’épargne-retraite et de la capitalisation en France et expliquer pourquoi les assurances, les banques et les gestionnaires d’actifs ont des intérêts manifestes dans le projet de loi instituant un système universel de retraite proposé par le gouvernement. Un projet qui, sur l’épargne-retraite, vient compléter et finaliser les mesures prises depuis plusieurs années, notamment lors de la loi PACTE.

De Amundi à Blackrock, les gestionnaires d’actifs sont intéressés par le développement de la capitalisation en France. Mais ils sont loin d’être les seuls : les assureurs et autres filiales de banques qui proposent des produits d’épargne-retraite le sont tout autant, et sans doute plus directement. Les mécanismes de retraite par capitalisation peuvent être collectifs (dispositifs d’entreprise) ou individuels. Les banques et assurances qui proposent ces produits peuvent ensuite gérer elles-mêmes cette épargne sur les marchés financiers et/ou en confier tout ou partie à des gestionnaires d’actifs. Ces derniers sont alors rémunérés sur la base d’un pourcentage des fonds gérés et/ou en fonction des résultats obtenus.

 

1) Les dispositifs par capitalisation existent déjà mais sont peu développés

En France, il n’y a pas à proprement parler de régime de retraite par capitalisation. L’essentiel fonctionne par répartition : les cotisations des actifs financent les pensions des retraités, aussi bien pour le régime de base que pour les régimes complémentaires (Agirc, Arrco). Il existe une exception notable : la retraite additionnelle de la fonction publique (RAFP), obligatoire, instituée en 2003 par François Fillon et qui est entrée en vigueur en 2005 [1].

Tous les autres dispositifs existants sont facultatifs. Ce qui ne veut pas dire secondaire. Si 12,5 millions de personnes détiennent un produit d’épargne-retraite en France, la capitalisation ne concerne qu’un faible pourcentage du total des pensions de retraite. Selon la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), les sommes versées annuellement dans le cadre d’un de ces produits d’épargne-retraite s’élèvent à 6,6 milliards d’euros, à mettre en rapport au total de 325 milliards d’euros de pensions de retraite versés en 2018 [2].

Une autre façon de juger du poids de la capitalisation est d’évaluer le montant des actifs financiers relevant de l’épargne-retraite au regard du PIB. L’étude de l’OCDE « Pension at a glance 2019 » évalue ces actifs à 43 500 milliards de dollars, soit en moyenne environ 126% du PIB des pays de l’OCDE, en augmentation de 85% sur 10 ans [3]. Le Danemark (198% du PIB), les Pays-Bas (173%), l’Islande (161%) sont ceux qui ont le plus développé l’épargne-retraite. L’Allemagne est dans le bas du classement avec 7% du PIB, tandis que la France compte pour l’équivalent d’environ 10% de son PIB placés en actifs d’épargne-retraite. Soit environ le montant de 230 milliards d’euros évoqués régulièrement et que la loi PACTE prétend faire grimper à 300 milliards d’ici à 2022. À titre de comparaison, l’assurance-vie représente 1 700 milliards d’euros et les livrets réglementés (livret A, LDD) environ 400 milliards.

 

2) La loi PACTE réforme l’épargne-retraite

Jusqu’à la loi PACTE, il existait de nombreux produits différents d’épargne-retraite. Ainsi, depuis 1967, les fonctionnaires bénéficient du Préfon qui est un contrat d’épargne retraite qui permet de se constituer une retraite complémentaire sous forme de rente. Les autres produits existants (article 83 ou article 39 du Code Général des Impôts, plan d’épargne retraite populaire (Perp), contrat Madelin, etc.), disposaient quasiment à chaque fois d’une fiscalité spécifique, et n’offraient le plus souvent que peu de flexibilité sur la façon d’en profiter à échéance.

Ils ont été revus par la loi PACTE pour être simplifiés et développés [4] : la loi PACTE refond ces produits d’épargne et crée de nouveaux plans d’épargne-retraite (PER) individuels et collectifs qui ont une fiscalité commune et des mêmes règles, offrant notamment une plus grande flexibilité de gestion (portabilité intégrale, possibilité d’une sortie en rente ou en capital, en une fois ou de manière fractionnée etc). A partir du 1er novembre 2020, les produits d’épargne-retraite anciens ne pourront plus être commercialisés mais pourront toujours être abondés.

Ces nouveaux produits d’épargne-retraite offrent une sortie en capital (on récupère son épargne en une seule fois), dans certaines conditions, et pas seulement une rente viagère (complément de revenu régulier). La plupart des anciens produits d’épargne-retraite comprenaient jusqu’ici un taux minimum garanti (par exemple un rendement de 2,5 à 3,5 % par an). Les nouveaux produits n’offrent plus ces taux garantis : ce sont donc des produits plus risqués offrant moins de garanties aux épargnants. Une partie de l’épargne constituée peut donc être perdue en fonction des évolutions du marché.

Les épargnants qui avaient souscrit des contrats dits Madelin (travailleurs non salariés, professions libérales, petits chefs d’entreprise, agriculteurs) risquent d’y perdre si leur contrat est transformé en PER : ceux qui ont un contrat à titre individuel pourront refuser mais une grande partie des contrats d’épargne-retraite sont en « gestion associative » et ces associations sont souvent intrinsèquement liées aux assureurs qui auront un fort intérêt à changer l’ancien produit d’épargne en PER.

L’objectif de la loi PACTE est de rendre le PER plus attrayant pour l’épargnant et de faire grimper les encours de l’épargne-retraite de 70 milliards d’euros d’ici à 2022, pour atteindre les 300 milliards. Soit une augmentation voulue de plus de 30%. Si l’on ne regarde plus les encours, mais la collecte annuelle de l’épargne pour atteindre un tel encours d’ici à deux ou trois ans, on se rend compte que cette collecte doit tripler. Ce qui revient à promettre un taux de croissance annuel à deux chiffres pour ceux qui sauront profiter de l’aubaine.

Le gouvernement a donc inclus dans le dispositif un avantage fiscal conséquent : les versements sont déductibles des impôts. Cette déduction fiscale est proportionnelle à la tranche marginale d’imposition (TMI). Pour le dire autrement, pour un versement donné, plus le revenu déclaré est élevé plus la déduction fiscale sera conséquente. Voilà donc un avantage fiscal qui est d’autant plus avantageux que l’on est riche. Prenons un exemple : pour 1000 euros versés, un contribuable payant l’impôt sur le revenu obtiendra 300 euros de déduction d’impôt s’il se trouve dans la tranche à 30 %, 410 euros s’il est dans la tranche à 41%, 140 euros s’il est dans la tranche à 14 %. Ces mesures de déduction fiscale sont clairement destinées à encourager les plus riches à se tourner vers l’épargne-retraite plutôt que l’assurance-vie. C’est l’inverse pour ceux qui sont faiblement imposés ou pas imposés du tout.

La loi PACTE prévoit également une incitation pour les épargnants à transférer leur épargne de l’assurance vie vers l’épargne-retraite : jusqu’au 1er janvier 2023, tout rachat d’un contrat d’assurance vie de plus de 8 ans fera l’objet d’un abattement fiscal doublé par rapport aux règles habituelles, si les sommes sont réinvesties dans un nouveau PER [5]. Le gouvernement n’a donc pas lésiné sur les avantages fiscaux pour tenter de faire basculer une part conséquence de l’épargne française vers l’épargne-retraite.

 

3) Vers des fonds de pension à la française ?

La création de fonds de pension à la française est une antienne régulièrement énoncée depuis des dizaines d’années par les gouvernements successifs. Un fonds de pension est dédié à la seule épargne constituée en vue d’une retraite par capitalisation. C’est l’outil qui permet de gérer collectivement, et en capitalisation, l’épargne-retraite. Il fonctionne en recevant les versements des employés ou des employeurs, en contrepartie desquels le bénéficiaire recevra une rente viagère lorsqu’il sera à la retraite. Faisant appel à l’épargne publique, les fonds de pension sont soumis à des règles prudentielles et à un contrôle par les autorités compétentes.

En 2015, alors qu’il était ministre de l’économie, Emmanuel Macron ne cessait d’affirmer que l’épargne-retraite est insuffisamment développée. Par ailleurs, si l’épargne est très développée en France, elle serait trop peu investie en actions, ce qui limiterait, selon les partisans du développement de l’épargne-retraite dont Emmanuel Macron fait partie, l’accès des entreprises françaises à du capital leur permettant d’élargir leurs fonds propres et de financer leurs innovations. L’idée est relativement simple : augmenter les encours de l’épargne-retraite et flécher une partie de l’épargne classique vers des fonds de pension à la française pour faciliter le développement rapide d’acteurs français de l’investissement en capital capables de rivaliser avec les investisseurs américains : « il faut développer une forme de fonds de pension à la française et adapter le cadre fiscal à ce changement », disait-il en novembre 2015, lors de la présentation des orientations de la loi Macron 2 [6].

En 2015, Manuel Valls a mis son veto à une loi Macron 2 et Emmanuel Macron n’a pu alors totalement concrétiser son engagement en la matière. Néanmoins, la loi Sapin 2 a créé par ordonnance les mutuelles et unions de retraite professionnelle supplémentaire (MRPS et URPS) ainsi que les institutions de retraite professionnelle supplémentaire (IRPS) permettant ainsi, aux entreprises d’assurances, sous réserve d’obtenir un agrément délivré par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), de proposer des « fonds de retraite professionnelle supplémentaire » (FRPS) qui sont les véhicules financiers du développement de ces « fonds de pension à la française » [7].

Il restait alors à « adapter le cadre » comme l’évoquait Emmanuel Macron. Au cours de l’été 2019, le gouvernement a ainsi pris plusieurs ordonnances relatives à l’épargne-retraite. Il s’agissait d’abord de transposer plusieurs directives européennes, dont une, dite IOPR II, portant sur la surveillance des institutions autorisées à développer ces fonds de pension [8] et des nouvelles facilités offertes aux FRPS [9]. Ensuite, de mettre rapidement en œuvre les dispositions prévue par la Loi PACTE rendues nécessaires pour un développement facilité de l’épargne-retraite.

Les FRPS sont donc placés sous le régime prudentiel de la directive européenne IORP II qui est moins contraignant que le régime « Solvabilité 2 » qui s’applique au secteur européen de l’assurance, celui-ci exigeant plus d’immobilisation de fonds propres. Le gouvernement justifie cette exigence moindre en affirmant que cela va favoriser les investissements de long terme. Et il a imposé avec la loi PACTE que les assureurs séparent définitivement, au plus tard le 31 décembre 2023, leurs actifs liés à l’épargne-retraite de leurs actifs liés par exemple à l’assurance vie.

À ce jour, peu l’ont fait. Seuls cinq agréments ont été délivrés ou sont en cours : Aviva, Malakoff Médéric, Sacra ainsi que les institutions prévoyance de la Banque populaire d’un côté et Austerlitz de l’autre [10]. Beaucoup d’autres acteurs du secteur assurantiel et bancaire sont plus réticents ou ont pris plus de temps pour explorer cette piste. Pour certains acteurs, il semblerait que rester quelques temps de plus sous le régime assurantiel Solvabilité 2 serait néanmoins plus avantageux que développer tout de suite un fonds de pension de plein exercice soumis au régime IOPR II [11].

Toutes ces ordonnances seront ratifiées si le projet de loi instituant un système universel de retraite de l’actuel gouvernement est voté. Après plusieurs années qui ont vu le gouvernement de François Hollande puis celui d’Emmanuel Macron vouloir « adapter le cadre fiscal et réglementaire » pour développer des fonds de pension à la française, la loi PACTE et le projet de loi sur les retraites viennent ainsi conclure la séquence. Il ne reste plus qu’aux acteurs de l’assurance et de la finance à s’emparer de ces nouveaux produits.

 

4) Le projet de loi « retraites »

Le gouvernement affirme vouloir « sauver » le système par répartition, c’est-à-dire un système où les pensions des retraités sont financées par les cotisations des actifs. A ce jour, le cœur de la réforme ne chamboule pas ce principe de la répartition : même avec un système par points, les cotisations des actifs continueront à financer les pensions des retraités. Néanmoins, le gouvernement ne se cache pas de vouloir faire plus de place à l’épargne-retraite et la capitalisation. Ainsi, plusieurs évolutions du système actuel pourraient conduire à un élargissement, limité mais non négligeable, des dispositifs de capitalisation.

Le projet de loi retraites encourage l’épargne-retraite et la capitalisation

Dans la version du projet de loi instituant un système universel de retraite rendu public le 9 janvier, l’article 64 du chapitre 2 du titre 5 indique précisément que le gouvernement appelle le secteur de l’assurance à généraliser le recours à l’épargne-retraite : « le secteur de l’assurance est appelé à se mobiliser, afin que le recours à ces véhicules [permettant d’assurer désormais tout type de plan d’épargne retraite] se généralise et que l’économie française puisse ainsi bénéficier pleinement du dynamisme de l’épargne retraite généré par la loi PACTE » [12].

Cela fait des semaines que le gouvernement prétend que son projet vise à « sauver le régime de retraite par répartition » et qu’il n’est pas question de développer la retraite par capitalisation, ou encore que le lien entre les retraites et Blackrock relève du « fantasme ». Pourtant le projet de loi rendu public montre précisément le contraire : en encourageant les assurances à développer massivement les dispositifs d’épargne-retraite, le gouvernement a bien pour objectif avec ce projet de loi que de plus en plus d’actifs recourent à des produits individuels ou collectifs (via les entreprises) de retraite par capitalisation.

Ce faisant, le gouvernement reconnaît ce qu’il se refusait à admettre jusqu’ici : son projet fait peser de graves risques sur le niveau futur des pensions. Son objectif de long terme, que le contenu de la loi PACTE confirme, se clarifie : affaiblir le régime de retraite par répartition pour faire de la place aux dispositifs de retraite par capitalisation, jusqu’ici peu développés en France.

Le plafonnement des cotisations et droits à la retraite pour les plus hauts revenus

Jusqu’à présent, les cotisations sur les retraites sont perçues pour des rémunérations allant jusqu’à 27 000 euros par mois, soit huit fois le plafond de la Sécurité sociale. Ces cotisations obligatoires seraient désormais limitées aux rémunérations perçues jusqu’à 10 000 euros par mois, soit trois fois le plafond de la Sécurité sociale. Au-delà, une cotisation de « solidarité » de 2,8 % serait introduite, n’ouvrant pas de droits à la retraite. Environ 300 000 personnes seraient concernées, les 300 000 plus haut revenus (dont 200 000 salariés environ). La réduction de ces cotisations va augmenter leur revenu imposable de façon conséquente : une augmentation de revenu qui sera taxée dans les tranches marginales supérieures de l’impôt sur le revenu, les incitant fortement à se tourner vers l’épargne-retraite pour conjointement compenser leurs baisses de pension tout en défiscalisant au maximum cette augmentation de revenu. Il est probable qu’elles se tournent encore plus largement qu’aujourd’hui vers l’épargne-retraite pour compléter le manque à gagner.

Cette disposition fait naître un manque à gagner pour le régime par répartition : ce sont autant de cotisations en moins provenant de personnes en âge de travailler, alors qu’il faudra continuer à payer les importantes pensions de leurs alter-ego déjà retraités et ayant cotisé au régime général dans le cadre actuel (pour leurs rémunérations allant jusqu’à 27 000 euros par mois). Selon les estimations de l’Agirc-Arrco parues dans la presse, cet abaissement des cotisations sur les plus hauts salaires représenterait un manque à gagner en cotisations (parts salariés et employeurs comprises) d’environ 4 milliards d’euros en 2025 et 5 milliards en 2040. Soit 72 milliards sur quinze ans. Voilà des sommes loin d’être négligeables sur lesquelles les assureurs et gestionnaires d’actifs mettraient volontiers la main.

Il faut noter que l’article 15 du projet de loi donne la possibilité au gouvernement de légiférer par ordonnance pour « modifier les règles d’assujettissement à cotisations et contributions sociales, ainsi qu’à l’impôt des versements des salariés et de leurs employeurs dans le cadre de dispositifs de retraite supplémentaire ». Il est précisé que ces décisions seraient prises « en compensation des moindres cotisations acquittées sur la part de rémunération comprise entre 3 et 8 plafonds de la sécurité sociale », établissant un lien extrêmement clair entre la baisse de cotisations pour les plus hauts-revenus et la vonlonté d’adapter le cadre fiscal pour développer de façon adéquate l’épargne-retraite.

La baisse des pensions pour un grand nombre de retraités

Une baisse généralisée des pensions conduirait nécessairement une part des cotisants actuels, les plus solvables, à se tourner vers des produits d’épargne-retraite pour essayer de « sécuriser » un revenu ou un capital futur. Les Français le font déjà sous la forme de l’assurance vie et, de façon indirecte, via les investissements dans l’immobilier. C’est d’ailleurs un des enjeux majeurs pour les organismes proposant des produits d’épargne-retraite que de faire basculer une part de cette épargne sur leurs propres produits. Si à ce stade, les Français y sont plutôt rétifs, comme le montrent les montants relativement limités consacrés à l’épargne-retraite, que vont-ils faire demain alors qu’ils sont nombreux à se sentir menacés par l’incertitude créée par le passage à un système par points, à cotisations définies et prestations indéfinies, et par le risque d’une baisse généralisée des pensions.

 

5) Quels sont les acteurs financiers intéressés par le développement de l’épargne-retraite ?

L’objectif consistant à passer d’un encours de 230 milliards à 300 milliards d’épargne-retraite entre 2020 et 2022 doit-être perçu pour ce qu’il est : un développement exponentiel du secteur. Pour que l’encours (ensemble de stock d’épargne-retraite) gagne plus de 30% en deux ans, il faut que les ventes annuelles de produits épargne-retraite explosent littéralement. Avec la possibilité de vendre les nouveaux plans d’épargne-retraite (PER) depuis le 1er octobre 2019, ce sont deux types d’acteurs qui sont aux aguets, prêts à bondir sur un marché bientôt en pleine croissance : les vendeurs de produits d’épargne-retraite et les gestionnaires d’actifs.

Assureurs et filiales des grandes banques sont impatients de pouvoir offrir des produits d’épargne plus risqués. Quant aux gestionnaires d’actifs, ils voient d’un bon œil une manne supplémentaire qui pourrait leur être confiée. Ces derniers mois, BNP Paribas, Amundi et d’autres n’ont cessé de multiplier les messages auprès de leurs clients pour les inciter à adopter très rapidement les nouveaux PER collectifs.

Les vendeurs de produits d’épargne-retraite

Pour que le PER ne reste pas au fond du tiroir des assureurs, Bruno Le Maire les a invité en novembre 2019 à ce qu’il soit « diffusé dans l’ensemble des principaux réseaux bancaires et assurantiels d’ici la fin du 1er trimestre 2020 », en insistant sur le fait que « les épargnants bénéficient d’un conseil adapté aux caractéristiques et à l’horizon de ce placement ». Il a annoncé qu’un suivi régulier sera effectué au cours de l’année 2020, pour pousser les assureurs à faire feu de tout bois.

Depuis le 1er octobre 2019, de nombreux acteurs du marché ont annoncé le lancement de leur offre de PER : Eres, Predictis, MeilleurPlacement, Apicil, Groupama, SwissLife, Predictis, Agipi/Axa, Generali, MACSF, Garance, Crédit Mutuel, Amundi, Oradéa, Société générale, LCL, Crédit agricole, Aviva, BNP Paribas ont tous mis sur le marché leur offre de PER.

On ne compte pas non plus le nombre d’assureurs, jouant sur l’actualité et la crainte d’une baisse des pensions, pour inviter leurs clients à souscrire un PER. L’assureur Axa, dans une de ses documentations tout en illustrations évoque très clairement « la baisse programmée des futures pensions » suite à la mise en oeuvre de ce qu’Axa appelle encore la « réforme Delevoye sur les retraites », pour inciter ses clients à épargner pour leur retraite à travers un PER. La période « va être marquée par de profondes modifications sur le marché de la retraite avec de belles opportunités à saisir » indique le directeur Epargne et prévoyance d’Axa France [13].

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Les gestionnaires d’actifs

Il existe en France plus de 600 sociétés de gestion d’actifs qui emploient, fin 2018, selon l’AMF, près de 18 000 salariés [15]. Sur un marché de la gestion d’actifs représentant près de 4 000 milliards d’euros, ce sont les acteurs français qui sont les plus importants : Amundi, leader européen de la gestion d’actifs, dispose de plus de 1500 milliards d’encours, dont près de 900 en France. C’est une filiale cotée du Crédit agricole. Natixis IM, filiale du groupe BPCE, dispose de 800 milliards d’encours, tandis que la filiale de gestion d’Axa en a 700 milliards. Celle de BNP Paribas suit avec 500 milliards d’euros. De son côté, Blackrock est encore un nain de la gestion d’actifs en France, avec 27,4 milliards d’actifs sur le sol français (mais une bien plus forte présence au capital des entreprises du CAC40).

Il est possible de regarder quels sont les gestionnaires d’actifs les mieux positionnés sur le marché de la gestion de l’épargne-retraite, comptant pour 140 milliards d’euros environ. Selon les données de l’Association française de la gestion financière, Amundi, Natixis et BNP Paribas se partagent la moitié du marché. Et on compte un seul gérant d’actifs étrangers, HSBC, dans les 15 plus importants gérants d’épargne-retraite. Ce classement montre que les filiales de groupes bancaires ont été largement avantagés par le contrôle qu’ils exercent sur les réseaux de distribution qui favorisent leurs propres produits d’épargne, ce qui limite considérablement la capacité des gérants étrangers de s’immiscer dans le jeu.

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Réforme des retraites : où en est-on ?

mardi 14 janvier 2020, par Collectif

 

Le gouvernement vient d’annoncer un retrait provisoire de l’âge pivot. Il s’agit d’une annonce en trompe l’œil. Non seulement les conditions avancées limitent fortement les marges de manœuvres dans la négociation, mais surtout l’âge pivot rebaptisé âge d’équilibre reste un des éléments du futur régime de retraite par points. La publication de deux projets de loi la semaine passée a donc confirmé les pires inquiétudes. La réforme du gouvernement prévoit de mettre en place dès 2022 un système dans lequel les pensions s’ajustent à la baisse, n’offrant de garantie ni sur l’âge, ni sur le niveau des pensions.

Une “règle d’or” pour faire des pensions la variable d’ajustement

 

L’article 1er du projet de loi organique introduit une "règle d’or" qui interdit tout déficit sur une période glissante de 5 ans. Dans le système actuel, la loi garantit le calcul et le niveau des pensions. Au contraire, avec cette règle d’or la seule chose garantie est l’équilibre financier, alors que les droits peuvent être revus à la baisse en permanence. Combinée à l’opposition répétée du gouvernement à toute hausse de cotisations sociales ou de contribution de la part de l’État, cette règle d’or est le verrou qui conduit à une diminution mécanique des pensions dès 2022. Une telle règle conduirait enfin immédiatement à répercuter toute mauvaise conjoncture, telle que celle que nous avons connue à partir de 2008, sur les pensions liquidées et sur les départs en retraite.

 

Pour les personnes nées avant 1975, une réforme paramétrique aux contours flous

 

Le gouvernement instrumentalise un déficit qu’il a lui même creusé en diminuant les recettes du système de retraite. Il affiche une ligne imposant de combler un déficit de 12 milliards d’euros à l’horizon 2027, en écartant toute hausse des cotisations ou baisse des pensions. Pourtant cette baisse résultera automatiquement des mesures d’économies exigées pour 2027, dont des mesures d’âges qui auraient pour effet d’augmenter la décote et de diminuer la surcote de plus des deux tiers des retraité·e·s, y compris des carrières longues. Le Premier ministre a rappelé ce dimanche son inclinaison pour l’âge pivot, mais s’est dit prêt à discuter de mesures d’économies alternatives dont, en dépit de l’affichage, l’effet sur les pensions serait sensiblement le même. 

Seule évolution récente : ces mesures d’économies, initialement incluses dans le projet de loi, seront finalement prises par le gouvernement par ordonnance, après le vote de la réforme et sans délibération du Parlement. 

 

Pour les personnes nées après 1975, un système à points assorti d’un âge d’équilibre qui augmente pour chaque génération

 

Le cœur du projet, un système à points sans garantie du niveau des pensions, n’a pas évolué depuis le rapport Delevoye. Il contient toujours un âge d’équilibre, qui devrait être fixé à 65 ans en 2037 et évoluer automatiquement selon l’espérance de vie par la suite (environ un mois par an). Dans ce système, les périodes de chômage ainsi que les périodes de temps partiel - qui concernent particulièrement les femmes - seraient particulièrement pénalisées. 

Enfin, compte tenu des projections, ce système organise et grave dans le marbre un fort décrochage du niveau des pensions par rapport au salaire, faisant de la pension un revenu insuffisant pour maintenir son niveau de vie à la retraite. C’est un espace substantiel laissé au développement des retraites par capitalisation, prévu par le projet de loi, et assorti de dispositifs fiscaux coûteux pour la collectivité. 

 

Au total, ce projet est donc quasi strictement le même que celui présenté dans le rapport Delevoye, et est identique à celui que les citoyen·ne·s rejettent depuis des mois. La mise en scène d’une dissociation entre les économies de court terme (décidées par ordonnance) et le projet de loi en lui-même ne change rien, ni au fond, ni au calendrier de la réforme. Aucun débat public ne pourra avoir lieu sereinement sans le retrait de ce projet.

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Le projet de loi retraites encourage l’épargne-retraite et la capitalisation

Le texte du projet de loi instituant un système universel de retraite a été rendu public par un certain nombre de syndicats et organismes y ayant eu accès. Dans cette version du projet, l’article 64 du chapitre 2 du titre 5 indique précisément que le gouvernement appelle le secteur de l’assurance à généraliser le recours à l’épargne-retraite.

« Le secteur de l’assurance est appelé à se mobiliser, afin que le recours à ces véhicules [permettant d’assurer désormais tout type de plan d’épargne retraite] se généralise et que l’économie française puisse ainsi bénéficier pleinement du dynamisme de l’épargne retraite généré par la loi PACTE. »

 

Cela fait des semaines que le gouvernement prétend que son projet vise à « sauver le régime de retraite par répartition » et qu’il n’est pas question de développer la retraite par capitalisation, ou encore que le lien entre les retraites et Blackrock relève du « fantasme ». Pourtant le projet de loi rendu public montre précisément le contraire : en encourageant les assurances à développer massivement les dispositifs d’épargne-retraite, le gouvernement a bien pour objectif avec ce projet de loi que de plus en plus d’actifs recourent à des produits individuels ou collectifs (via les entreprises) de retraite par capitalisation. Ce faisant, le gouvernement reconnait ce qu’il se refusait à admettre jusqu’ici : son projet fait peser de graves risques sur le niveau futur des pensions. Son objectif de long terme, que le contenu de la loi PACTE confirme, se clarifie : affaiblir le régime de retraite par répartition pour faire de la place aux dispositifs de retraite par capitalisation, jusqu’ici peu développés en France.

Aujourd’hui, le secteur de l’assurance vendeur de produits d’épargne-retraite (Axa, AG2R, les branches assurance des banques françaises, SwissLife, CNP Assurances, Generali, etc.) et, derrière eux, les gestionnaires d’actifs (Blackrock, Vanguard, Amundi, AXA IM, BNP Paribas Asset Management, etc.) se frottent les mains.

 

Le projet de loi est disponible dans son intégralité à ce lien.
L’article en question est situé à la page 42 du document.


Non, le système de retraite suédois n’est pas un modèle

Le système de retraite suédois actuel résulte d’une réforme votée par les députés à la fin des années 1990, qui a remplacé le système ATP (« retraite complémentaire publique ») créé dans les années 1960. Ce dernier garantissait, à partir de trente années de travail, une retraite valant 65 % du salaire moyen sur les quinze meilleures années. La pension était donc fixe.

 

Dans le nouveau système, la retraite de chaque travailleur.se dépend de trois composantes : un compte « notionnel », une retraite par capitalisation obligatoire et, pour celles et ceux qui en ont, une pension professionnelle définie par un accord de branche ou d’entreprise. Les chômeurs, les étudiants, les travailleurs indépendants n’y ont pas accès. Les contrats courts cotisent, mais dans le cadre d’accords d’entreprise : la multiplication des contrats de retraite accroît alors les frais de gestion et les cotisations ne servent qu’à payer ceux-ci !

La majorité de la pension totale (environ 65%) dépend du compte « notionnel ». Celui-ci ressemble à un compte épargne alimenté par des cotisations (salariales et patronales correspondant à 16 % du salaire) tout au long de la carrière. Au moment de prendre sa retraite, la pension dépend du total de ces contributions, de l’espérance de vie moyenne, de la conjoncture économique et des rendements des investissements financiers réalisés avec le fonds de retraite public.

Ce système est différent du projet du gouvernement actuel dans la mesure où il n’est pas du tout universel : environ 25-35 % des pensions, en moyenne, dépendent d’accords de branche négociés par les syndicats et les entreprises, qui s’ajoutent au système général. Les retraites varient donc beaucoup selon les métiers et les entreprises et tout le monde ne reçoit pas sa retraite selon les mêmes règles. Cela dit, depuis trois semaines, le gouvernement a déjà créé des exceptions à son système pour les policières.ers, les sénateurs.trices et les danseuses.eurs de l’Opéra de Paris. Cela ne serait en fait déjà plus universel ! D’autres différences existent, comme la capitalisation obligatoire, des taux de cotisation différents, etc.

Mais le système suédois a aussi des points communs avec ce que tente d’imposer le gouvernement, en particulier le compte « notionnel » qui ressemble beaucoup aux points du rapport Delevoye. Les mêmes causes menant aux mêmes effets, on peut regarder ce qu’a provoqué la réforme en Suède pour mieux comprendre ce que le projet en France a de néfaste.

Comme le veut l’exécutif français, les retraités suédois doivent partir plus tard qu’auparavant, vu que l’âge légal et l’âge de départ à taux plein (« âge-pivot ») a été reculé : il est aujourd’hui de 67 ans et continue d’augmenter chaque année, avec l’espérance de vie moyenne de toute la population. Ce recul de l’âge de départ à taux plein renforce les inégalités de classe et de genre : celles et ceux dont les travaux sont les plus pénibles et qui ne peuvent pas travailler plus longtemps souffrent plus que les autres du recul de l’âge-pivot, car ils.elles perdent plus qu’avant lorsqu’ils.elles partent au même âge. La plupart des salarié.e.s de l’industrie prennent ainsi leur retraite avant 65 ans à cause de problèmes de santé, et les femmes travaillant dans le secteur de la santé et des services à la personne partent encore plus tôt. Ainsi, en Suède, les femmes ont en moyenne 600 euros de pension de moins que les hommes.

Dans le système par point, les pensions sont la variable d’ajustement. Ainsi, si l’espérance de vie moyenne augmente plus vite que prévu, si la conjoncture économique se dégrade et que les recettes diminuent, ou si les investissements financiers rapportent moins, les pensions diminuent. Les retraités ont déjà vu leur pension diminuer trois fois, en 2010, 2011 et 2014, en application des règles de pilotage automatique prévues par la réforme. Tandis que les futur.e.s retraité.e.s auront des pensions moins importantes par rapport à leur salaire à cause de la fixation des taux de cotisation, à 16 % pour le système à comptes notionnels et 2,5 % pour le complément par capitalisation. Ce sous-financement entraîne mécaniquement la baisse du taux de remplacement, passé de 65 % avant la réforme à 45-50 % aujourd’hui. La réforme en France prévoit exactement la même chose : si le taux de cotisation est fixé à 13,8 % du PIB, les pensions baisseront de la même manière.

Enfin, le calcul de la pension sur les revenus de toute la carrière pénalise les plus précaires, la majorité des femmes, celles et ceux qui ont passé du temps au chômage, entre autres, reçoivent moins que ce qu’ils recevaient dans l’ancien système car des « mauvaises années » qui étaient effacées comptent désormais autant que les autres. Ce serait la même chose en France.

Si ce qui existe en Suède et le système que le gouvernement défend ont des différences, tout comme en auraient leurs effets, on peut regarder ce que l’introduction des comptes « notionnels » a provoqué dans la mesure où cela est très proche du système par points. Et l’on voit sans surprise qu’il renforce les inégalités sociales, en particulier de classes et de genre, vu qu’il reproduit toutes les injustices subies au cours de la carrière. Ainsi, celles et ceux qui souffrent le plus pendant leur vie continuent d’être pénalisé.e.s dans leur retraite, et le contraire pour celles et ceux qui ont les meilleures conditions de vie. De plus, les pensions diminuent en fonction des baisses de recettes du système, et font ainsi fait baisser le taux de remplacement.

 


BlackRock

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L’intox du jour du gouvernement, au sujet de la présence de BlackRock en France : « Ils ne font pas de lobbying parce qu’ils n’ont pas grand chose à y gagner »

jeudi 2 janvier 2020, par Attac France

Au lendemain d’une polémique sur la nomination du président de BlackRock France comme officier de la Légion d’honneur par Edouard Philippe, la secrétaire d’État française Agnès Pannier-Runacher a démenti jeudi tout lobbying de la société américaine de gestion d’actifs dans le cadre de la réforme du système des retraites. « Ils ne font pas de lobbying parce qu’ils n’ont pas grand chose à y gagner », a déclaré la secrétaire d’État auprès du ministre de l’Economie et des Finances au micro de Jean-Jacques Bourdin. « C’est une boite de Smarties le marché français, ça ne représente rien par rapport à leur gestion d’actifs ». Désintox.

Pourquoi faut-il s’intéresser aux relations entre Macron, son gouvernement et BlackRock ?

 

Le PDG de BlackRock, Larry Fink, été reçu à l’Elysée en 2017, avant même que les représentants des fonds français similaires ne le soient. En ce sens, BlackRock n’a pas besoin de faire du lobbying : Macron leur a déroulé le tapis rouge, et ce à plusieurs reprises en trois ans. La volonté de BlackRock de se déployer massivement en Europe, et tout particulièrement en France, en Allemagne et en Italie est relativement récente. Paris a d’ailleurs été choisi pour être un des hubs de son développement dont la charge a été confiée à Jean-François Cirelli.

Les connivences entre BlackRock et Macron n’ont depuis cessé de se multiplier : en novembre 2017, des salons de l’Elysée ont même été privatisés pour permettre à des dirigeants de BlackRock d’auditionner plusieurs ministres qui avaient alors pour mission de leur expliquer combien la politique économique menée depuis 2017 est favorable à leurs intérêts, afin de les encourager à « choisir la France » pour leurs futurs investissements.

 

Pourquoi il est faux de dire que BlackRock ne fait pas de lobbying en France ?

 

BlackRock a publié en juin 2019 un document de 16 pages intitulé « Loi Pacte : Le bon plan Retraite », où elle émet quatorze « recommandations » au gouvernement français. BlackRock y préconise notamment de créer une quasi-obligation à l’épargne-retraite dans les entreprises, au-delà des régimes de base et complémentaires [1] ou encore d’ouvrir les produits à des supports domiciliés au Luxembourg ou en Irlande, paradis fiscaux notoires [2].


Pourquoi écrire un tel document si ce n’est pour tenter d’influencer la politique du gouvernement français, autrement dit faire du lobbying ?

 

Alors, bien sûr, il serait absurde de considérer que seul BlackRock fait du lobbying auprès du gouvernement français. Jean-Michel Bezat, journaliste économique du Monde, explique que « M. Fink n’a pas plus l’oreille du pouvoir que ses pairs d’AXA, de BNP Paribas ou d’Amundi qui, eux, gèrent les produits en capitalisation et font le même lobbying auprès du gouvernement depuis des décennies » et « le géant américain a fait au gouvernement des « recommandations » en faveur de la capitalisation qui sont très proches de celles des banques et des assureurs français » [3]. Les entreprises multinationales ne sont pas plus vertueuses si elles sont françaises et nous avons suffisamment dénoncé les agissements de BNP-Paribas, entre autres, pour savoir que les grandes banques françaises n’ont rien de vertueuses.

 

Pourquoi BlackRock est intéressée par la contre-réforme des retraites ?

 

Votée au printemps, la loi Pacte veut en effet favoriser « l’épargne-retraite volontaire » et porter son encours de 200 milliards aujourd’hui à 300 milliards d’euros en 2022. BlackRock, qui reconnaît que les deux tiers des actifs qu’il gère sont « liés aux solutions d’épargne-retraite », est évidemment intéressée, indirectement, par l’augmentation des encours collectés par les gérants de fonds d’épargne-retraites qui font appel à ses services pour placer ces sommes sur les marchés financiers. Jean-François Cirelli, le président de BlackRock France, s’est d’ailleurs félicité en juin 2019 que le gouvernement allait ainsi « permettre aux français de s’approprier l’épargne-retraite ». Il proclamait sa volonté de « mettre l’expérience de BlackRock au service de cette nouvelle épargne-retraite » [4].

La contre-réforme des retraites présente une autre opportunité pour les fonds d’épargne-retraites et, indirectement, pour les gestionnaires d’actifs tels que BlackRock. En effet, le gouvernement prévoit que les plus hauts revenus ne cotiseront plus pour leur retraite personnelle au-delà de 121 626 euros de revenus annuels, soit environ 10 000 € par mois. Cela concerne environ 300 000 personnes. Au delà de cette somme, les revenus seront prélevés d’un taux de 2,81%, sans ouverture de droits nouveaux à la retraite, afin de financer le système général. Cette proposition, qui est présentée comme une mesure de solidarité par le gouvernement, risque fort d’avoir pour conséquence que les personnes concernées soient renvoyés vers la capitalisation pour tenter de maintenir leur niveau de retraite.
Comme l’écrit l’UGICT-CGT, « Voilà qui est de nature à créer un marché juteux pour les fonds d’épargne retraite qui lorgnent sur l’épargne des français·e·s et coûtera très cher à nos systèmes de retraite solidaires » [5]. Même le Figaro reconnait que « les cadres gagnant plus de 10 000 euros par mois seront de fait incités à investir dans une retraite par capitalisation pour leur retraite » [6].

Agnès Pannier-Runacher a elle-même vendu la mèche ce matin : « Au delà de 120 000 euros (de revenu annuel), ce n’est pas à la solidarité nationale de s’occuper de la retraite de ces gens là ». Comment dire plus clairement que la réforme des retraites va inciter les hauts revenus à souscrire une retraite complémentaire par capitalisation ?

 

Pourquoi la France n’est pas un smarties pour BlackRock ?

 

Dans l’interview donnée en juin 2019, Jean-François Cirelli lui-même ne cachait pas les ambitions de son entreprise en France : « BlackRock veut être beaucup plus présent dans ce beau pays et nous avons de grandes ambitions pour BlackRock en France ». Pourquoi la secrétaire d’État nie-t-elle ce que même BlackRock reconnait ?

Si la France était un smarties pour BlackRock, pourquoi Larry Fink aurait-il été reçu en personne par Emmanuel Macron à plusieurs reprises ?

Et si la France était insignifiant pour BlackRock, pourquoi est-elle présente au capital d’au moins 18 entreprises du CAC 40 ? Pourquoi détient-elle autour de 5% du capital de BNP-Paribas, Société générale, Vivendi, Michelin, Vinci ou encore Total ? Au total, BlackRock détenait 1,9% du capital des entreprises du CAC 40 fin 2017, selon Euronext.
L’observatoire des multinationales a même montré que les multinationales du CAC 40 sont d’autant plus généreuses envers leurs actionnaires lorsque BlackRock est un actionnaire important : la firme fait cracher du cash aux multinationales françaises au détriment de l’investissement.

Pourquoi nommer Jean-François Cirelli officier de la légion d’honneur pose problème ?

 

Selon Agnès Pannier-Runacher la légion d’honneur accordée au patron de la branche française était une « pure coïncidence  ». Elle justifie cette nomination en expliquant que « Ca fait 40 ans qu’il (Jean-François Cirelli) travaille pour le public (...) c’est quelqu’un qui a travaillé au FMI, au ministère de l’Economie et des Finances, qui a été collaborateur du Premier ministre, qui a été dirigeant de GDF Suez et qui aujourd’hui sert la cause de la France en disant que la France est un pays où il fait bon investir ».

Or, Jean-François Cirelli a reçu la Légion d’honneur en 2006, puis a été élevé chevalier en 2009 : voilà qui récompense son travail « pour le public ». Mais depuis, qu’a t-il fait pour mériter d’être élevé au rang d’officier de la Légion d’honneur ? Est-ce pour avoir mené à bien la privatisation de GDF lorsqu’il en était président ? Est-ce pour le remercier de participer au Comité action publique 2022 (CAP 22) qui a été chargé en octobre 2017 par le premier ministre Edouard Philippe de réfléchir à une réforme des missions de l’État en France ? Si c’est le cas, nous aimerions savoir quel type de réflexions a fourni cet expert en privatisations pour réformer les missions de l’État en France ! Faut-il rappeler que le rapport du CAP 22, rédigé en 2018, préconisait de restreindre le périmètre de l’action étatique ? Si Jean-François Cirelli est un « grand serviteur de l’État », c’est au service du dépeçage de l’État.

Notes

[1« il faudra envisager un horizon à partir duquel les employeurs pourraient être contraints de proposer un dispositif d’épargne retraite à leurs salariés. De même, au niveau des professions indépendantes, l’adhésion à un plan d’épargne-retraite pourrait faire partie des obligations une fois que certaines conditions de revenus seraient atteintes. », https://www.blackrock.com/corporate/literature/whitepaper/viewpoint-loi-pacte-le-bon-plan-retraite-juin-2019.pdf

[2« la liste des sous-jacents d’investissement éligibles aux dispositifs d’épargne salariale gagnera à être étendue aux SICAV de droit étranger, afin de stimuler la concurrence et la portabilité au profit des épargnants. Un grand nombre de gestionnaires d’actifs ont des gammes de fonds domiciliées au Luxembourg ou en Irlande, qui sont aujourd’hui exclues de cette offre. » https://www.blackrock.com/corporate/literature/whitepaper/viewpoint-loi-pacte-le-bon-plan-retraite-juin-2019.pdf



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Petit guide sur les retraites : 12 idées reçues à combattre
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Manifestation du 17 décembre à Toulon: photos ATTAC VAR


Décryptage des annonces du Premier ministre : le gouvernement modifie l’emballage sans toucher au contenu de sa réforme des retraites

Après 2 ans et demi de concertations menées par Jean-Paul Delevoye, Edouard Philippe a « dévoilé », ce mercredi 11 décembre au CESE le projet de réforme des retraites du Gouvernement. Ces annonces ne changent ni l’horizon du gouvernement sur la réforme des retraites, ni ses conséquences pour les retraité·e·s actuel·le·s et futur·e·s. Décryptage.

Mercredi 11 décembre Collectif

 

Comme on pouvait s’y attendre, Emmanuel Macron et son gouvernement s’obstinent face à la colère et à la mobilisation de masse actuellement en cours. Pour briser la solidarité entre générations, Edouard Philippe n’hésite pas à avoir recours à l’argument le plus méprisable : ne vous inquiétez pas ces mesures ne vous frapperont pas ; elles ne toucheront que vos enfants.

 

Quelle meilleure preuve que la réforme est néfaste, qu’elle n’est pas favorable aux actifs !

 

Mais les personnes qui ne seront pas concernées par la réforme “à points” seront concernées par des nouvelles mesures de baisse, via l’instauration d’un âge “d’équilibre” à 64 ans dès 2027.
Alors que E. Philippe affirme que le système “financera un haut niveau de solidarité”, ce qui nécessiterait un financement bien plus important qu’aujourd’hui compte tenu des inégalités actuelles à corriger, la part de solidarité sera simplement maintenue à son niveau actuel, au début de la mise en oeuvre. Comme elle sera sortie du système de retraite pour être financé par l’impôt, il y a fort à craindre que cette part soit rapidement rognée au nom des baisses de dépenses publiques.

 

Nouvel “âge d’équilibre” pour les plus de 47 ans (nés avant 1975), réforme à points pour les autres, tout le monde reste perdant !

 

Malgré les aménagements quant aux générations concernées par le système à points ou par des économies de court-terme, il n’y a pas d’évolution sur le plafonnement du financement des retraites à 14% du PIB... voire une baisse de cette part.

Les personnes qui ne seront pas concernées par le système à point seront fortement touchées par l’autre partie de la réforme : les économies à court terme, et notamment par un nouvel âge d’équilibre fixé à 64 ans en 2027. Toute personne qui partira avant cet âge subira une décote, quel que soit son nombre d’annuités. La nouvelle décote sera calculée en prenant le plus défavorable de deux critères pour chacun, entre durée de cotisation, et écart à cet âge d’équilibre. Une perte qui peut se chiffrer en centaines d’euro par mois. Et ce dès les prochaines générations.

Les générations nées après 1975 seront concernées par le nouveau système à point, calibré pour ajuster les pensions à la baisse à mesure que l’espérance de vie s’allonge. Ainsi, la réforme ne s’appliquera qu’aux personnes nées en 1975 et après, soit en 2037. D’ici là, dès 2022, les jeunes cotiseront au nouveau régime, ce qui veut dire que pendant 17 ans, les régimes existants vont être de plus en plus déficitaires, de plus en plus dans la main de l’État.

La conséquence de ces choix : une baisse des taux de remplacements brutale et plus forte que celle prévue par les précédentes réformes.

 

Des garanties en trompe l’œil :

  • L’indexation du point ne garantit pas le niveau des pensions

L’annonce de l’indexation de la valeur des points acquis sur les salaires se veut rassurante. Mais le niveau des pensions (niveau de la retraite par rapport au dernier salaire) n’est en aucun cas garanti. Ce qui importe n’est pas la valeur du point (qui n’est qu’un indice), mais le “taux de remplacement”, c’est à dire la part de pouvoir d’achat qu’on conserve lorsqu’on passe de l’emploi à la retraite. Et celui-ci va baisser, plus fortement qu’aujourd’hui. Ce que le gouvernement fait mine de garantir avec la valeur du point, il le reprend avec une décote variable.

  • Un minimum de pension à 1000€ (pour une carrière complète) pour les uns, la capitalisation pour les autres ?

Avec une baisse massive du niveau des pensions, une partie écrasante de la population française sera logée à la même enseigne : le nouveau « minimum de pension » à 1000€ (pour une carrière complète). Toutes les personnes n’atteignant pas l’âge pivot ou ayant une carrière incomplète auront beaucoup moins. C’est un des « alibis sociaux », les gagnants de la réforme : celles et ceux qui pourront prétendre au minimum après une vie de travail. Par ailleurs le gouvernement utilise les femmes comme alibi de la réforme en n’hésitant pas à les qualifier de “grandes gagnantes”, alors même que leurs droits et leur autonomie financière sont gravement menacés par de nombreuses dispositions (prise en compte de toute la carrière, pension de réversion dégradée, abandon des majorations de durée d’assurance pour les enfants). Pour les personnes pouvant se le permettre, il s’agira désormais de se tourner vers la capitalisation privée, grandement facilitée par le gouvernement et son Plan Epargne Retraite. Ce sont d’immenses opportunités pour les fonds de pensions, largement défiscalisés, et donc autant de manque à gagner pour les caisses de l’État.

En clair, ces annonces confortent le coeur de la réforme qui concerne tou·te·s les actif·ve·s du pays, soit la réduction du niveau des retraites dans notre système solidaire et un effet d’éviction vers les solutions de capitalisation privée. Dans le détail beaucoup de flou persiste sur la réelle prise en compte de la diversité des situations et des carrières. Les centaines de milliers de grévistes et de manifestant·e·s réuni·e·s depuis le début du mouvement semblent plus que jamais déterminé·e·s à continuer le mouvement, dès demain jeudi 12 décembre, et ce jusqu’au retrait définitif de son projet de réforme.

P.-S.

Communiqué de Presse du « Réseau Retraites » (Attac, Economistes atterrés, Fondation Copernic, collectif Nos retraites)

 


Manif du 10 décembre Photos ATTAC 83


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Pour une retraite digne et heureuse
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Un visuel bien senti
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Analyse du rapport du Conseil d'Orientation des Retraites (COR) par le réseau retraites
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Retraites des femmes :
en finir avec les inégalités !


Leur situation est bien connue : les femmes souffrent des inégalités de salaires, des faibles rémunérations des métiers à dominante féminine, des carrières plus courtes que celles des hommes du fait de carrières morcelées par le temps partiel, la précarité et les interruptions d’activité en raison de l'investissement
parental et domestique.
On retrouve évidemment ces inégalités à la retraite :
la pension de droit direct des femmes est inférieure de 42 % à celle des hommes ;
les femmes partent en retraite en moyenne un an plus tard que les hommes,
une femme sur 5 attend 67 ans, l’âge d’annulation de la décote (un homme sur 12) ;
elles subissent malgré tout plus souvent la décote, du fait de carrières plus courtes ;
leur pension, trop faible de ce fait, est plus souvent rehaussée par un minimum
de pension ;
37 % des femmes retraitées et 15 % des hommes touchent moins de 1000 € de pension brute (909 € nets).


Cette situation continue à se dégrader du fait des réformes passées.


Il est urgent d’en finir avec ces inégalités et avec les faibles pensions.
Mais le projet Macron de retraite par points, contrairement aux déclarations du gouvernement, pénaliserait encore plus les femmes (ce qu’affirme aussi le récent rapport de l’Institut de la protection sociale !)


En effet, toute la carrière sera prise en compte pour le calcul de la pension, et non plus la meilleure partie.
Les plus mauvaises années, temps partiel, congé parental, chômage, années de bas salaires et de précarité – seront alors intégrées. Il y aurait donc une réduction des pensions pour de très nombreuses personnes.


De même pour les fonctionnaires dont la pension est basée sur les 6 derniers mois. Pour atténuer cela, le projet prévoit d’intégrer les primes dans le calcul de la pension…

 

Mais dans de nombreux métiers, particulièrement ceux occupés par des femmes, il n’y a pas, ou peu, de primes, et lorsqu’il y en a, elles bénéficient plus aux hommes qu’aux femmes. C’est d’ailleurs parce qu’il y a plus de primes dans le privé que les inégalités de salaires femmes-hommes y sont plus importantes.


Des mesures sont nécessaires et possibles


Les droits familiaux liés aux enfants (majorations de durée d’assurance,…) doivent être maintenus pour atténuer les inégalités actuelles, mais ils ne doivent pas enfermer les femmes dans le rôle de mère. La bonne solution pour en finir avec les inégalités de pension n’est pas de renforcer ces droits complémentaires, mais de renforcer les droits directs des femmes à une pension.


Ce qui signifie :


augmenter le minimum de pension pour une carrière complète au niveau du SMIC net ;
mettre fin à l’allongement continu de la durée de cotisation, de plus en plus inaccessible, particulièrement pour les femmes, et revenir à une durée réalisable : le progrès est de permettre à chacun·e de réduire son temps de travail ;
supprimer la décote, qui est une double pénalisation de la pension,
garantir un taux de remplacement (pension par rapport à salaire) de 75 % du salaire ;
revenir à un calcul de la pension basé sur les 10 meilleures années pour une carrière complète et une période plus courte pour les carrières plus courtes.


En amont de la retraite, il est urgent de mener une politique volontariste :


en faveur de l’égalité des salaires et des emplois des femmes et des hommes, et de l’égalité des taux d’activité : celui des femmes est actuellement de 10 points inférieur à celui des hommes. Les ressources en cotisations des régimes de retraite en seraient fortement améliorées.
pour l’instauration d’une surcotisation patronale sur les emplois imposés à temps partiel,
pour la création de places de crèches, d’un service public de la petite enfance, pour un congé parental partagé à égalité entre les parents et véritablement rémunéré, et une lutte à tous les niveaux contre les stéréotypes sexués.


L’égalité entre les femmes et les hommes, est un objectif de société, qui permettra, en outre, d’améliorer sensiblement le financement des retraites.


CNDF, Femmes Solidaires, OLF, Collectif féministe Ruptures, Femmes égalité, CGT, FSU, Union syndicale Solidaires, Attac France, Fondation Copernic.


Mobilisation du 5 décembre à Toulon